"Adan Dòt Solèy" de Célia Wa

Une énergie solaire avec une force lunaire. C’est ainsi que je décris l’univers de Célia Wa. J’ai eu un coup de cœur pour son premier album “Wa” (2012) que j’ai écouté pour la première fois en 2019. Comme elle l’a dit dans son interview, son style est réellement inclassable. Ses racines musicales dans le hip-hop, le jazz, la (neo)soul, le gwoka se ressentent d’autant plus quand elle explore des sonorités électro. J’ai choisi “Adan on Dòt Soléy” pour clôturer la première saison de cette rubrique Focus Clip-Vidéo qui raconte la Guadeloupe que je porte dans mon cœur.

Une Guadeloupe naturelle

J’ai découvert le mini-album tardivement par rapport à sa mise en ligne en 2018, mais j’étais au rendez-vous pour la mise en ligne du clip-vidéo. Je n’aime pas nager dans l’océan. Toute cette immensité que l’être humain cherche en vain à dominer. Toute cette beauté qui peut offrir la vie et la mort… Cependant, j’ai toujours vu la plage comme un lieu de connexion entre les éléments. Je peux passer une journée assise sur la plage juste à observer la nature. L’écume des vagues absorbée par le sable, les feuilles frissonnantes sous les alizés, les fourmis qui s’affairent le long d’un cocotier couché au sol, le soleil englouti par la mer. Peut-être était-ce l’effet du début de confinement, peut-être était-ce l’effet de ne pas avoir mis les pieds sur une plage en Guadeloupe depuis plus de dix ans… Mais j’ai ressenti une certaine sérénité, une forme de plénitude face aux décors naturels sans artifice dans le clip-vidéo. Contrairement à l’image carte postale créée pour les touristes, la plage est ici l’espace pour exprimer son humanité et sa spiritualité. Célia Wa rappelle dans son interview que certaines de nos plages sont aussi des cimetières pour les Africains réduits en esclavage. Ce clip-vidéo réussit donc à porter un autre regard sur la plage dans une symbolique propre à l’histoire caribéenne. Il nous transporte dans une autre dimension.

Une Guadeloupe intemporelle

Ces décors naturels donnent cette impression de permanence dans un changement constant. Les falaises et les arbres enlacés dans un chaos ordonné témoignent de la longévité de leur propre existence. Ce visuel entre désert terrestre et lunaire ne correspond pas à l’image actuelle de la Guadeloupe. Le paradis des touristes ou l’arène de luttes constantes pour affirmer son identité et sa dignité, en fonction du point de vue qu’on adopte. Dans ce décor naturel et épuré, loin des préoccupations capitalistes, il n’y a plus de quotidien oppressant. Il y a juste la liberté d’être. Comme dans “Lè Ou Lov 2069” du duo iShango Sound ou “Rèv An Mwen” de FLO, ces quelques minutes nous… en tout cas, me font voir simultanément la Guadeloupe du présent, du passé et du futur. Quelques minutes pour se rappeler de la beauté de cette Guadeloupe où tout est réuni pour vivre heureux dans la simplicité. Quelques minutes pour imaginer d’autres alternatives de développement. Quelques minutes pour se célébrer.

En conclusion, un visuel de science-fiction caribéenne, un thème en hommage aux ancêtres, un texte en créole… “Adan on Dòt Soléy” laisse envisager une belle évolution du concept “KARAYIBFUTURSOUND”.