"Worthy" (de Jada Pinkett Smith), en route pour l'amour de soi

En tant que femme afrocaribéenne française approchant la quarantaine, je suis toujours émerveillée lorsque je lis un livre qui me fait dire "c'est moi !". Cela ne m'est arrivé que trois fois jusqu'à présent. L’adolescente timide et maladroite que j’étais s'est sentie validée par "Musical Youth" de Joanne C. Hillhouse. La vingtenaire perdue et en colère s'est senti validée par "Oh Gad !" de Joanne C. Hillhouse (est-ce que tu vois un point commun ici ?). Et maintenant, c'est mon moi trentenaire en voie de guérison qui se sent validée par "Worthy" de Jada Pinkett Smith.  

Certaines critiques s’attardent sur le style (trop) poétique de l’autrice, sur les détours philosophiques et la structure narrative simpliste. Personnellement, je savais que je lirais les propos d’une femme cultivée qui connaissait les codes de la rue et c’est exactement ce qu’on obtient. J’ajouterais même que ce livre m’a rappelé “Renaissance Woman” de Stevy Mahy qui était ouvertement structuré comme un journal intime où la chanteuse guadeloupéenne laissait libre cours à ses pensées sur une période bien précise de sa vie. Pour Jada Pinkett Smith, il s’agit vraiment de raconter ses premiers souvenirs jusqu’à aujourd’hui et de partager les leçons qu’elle a apprises. Je suis bien consciente qu’il s’agit de mémoires et l’intérêt ici n’est pas tant de chercher ce qui est vrai ou faux, ce qui est réaliste ou pas, surtout par rapport à son enfance et adolescence dans le Baltimore des années 80. Ici, je m’intéresse à la façon dont l’autrice perçoit sa propre vie de femme noire née et élevée aux Etats-Unis. Dans l'épisode 2 de Karukerament, je discute de la représentation de la féminité et de la maternité dans la Caraïbe avec le film "Rain" de Maria Govan, qui se déroule aux Bahamas. Avec "Worthy", j'aborderai ces sujets de mon point de vue de femme ayant grandi en Guadeloupe et faisant désormais partie de la diaspora.

Pendant longtemps, la vie de Jada Pinkett Smith a été racontée comme un conte de fées. Une belle jeune femme tombe amoureuse d'un beau prince qui l'aime en retour. Ils se marient et vivent heureux avec leurs deux beaux et talentueux enfants, leur maison de rêve et aucun souci financier. Pourtant, cette jeune femme n'était pas heureuse. Je ne dis pas qu'elle ne trouvait pas de joie à être une épouse et une mère... Elle en trouvait. Elle était heureuse, mais les choses se sont passées d'une manière qui l'a amenée à se demander dans quelle mesure sa vie était un véritable choix intentionnel de sa part.

Je pense que si les gens sont aussi vindicatifs envers elle, c'est parce qu'elle ose défier la formule du bonheur que la société suprémaciste patriarcale capitaliste nous vend. En effet, Jada Pinkett Smith a coché toutes les cases du guide du bonheur que la plupart des gens passent leur vie à remplir, alors comment ose-t-elle ne pas être satisfaite ? Comment ose-t-elle critiquer une vie que la plupart des gens rêvent d'avoir ? Mais ces mémoires ne traitent pas de la question de savoir quel mode de vie est bon ou mauvais. Il s'agit de savoir que, peu importe le chemin que vous choisissez, il devient votre choix, quelles que soient les circonstances de votre enfance. Elle nous montre ce que cela signifie pour quelqu'un de définir l'amour selon ses propres termes et nous invite à nous demander si nous nous aimons vraiment, car sans amour de soi, il n'y a pas de bonheur.

Chaque chapitre se termine par un exercice pour trouver les réponses, mais voici les principales questions auxquelles "Worthy" m'a fait réfléchir.

Que signifie la religion pour moi ? 

Je commence par cette question parce que le prologue raconte la première expérience de Jada Pinkett Smith avec l’ayahuasca, une boisson aux vertus hallucinogènes utilisée dans les rituels de certains peuples d’Amérique centrale et du Sud. C’était son ultime tentative pour trouver les réponses aux questions qui la tourmentaient depuis l’enfance. Cela a fonctionné pour elle, mais en aucun cas elle ne présente cette méthode comme le remède miracle qui conviendra à tout le monde. Par contre, cela lui a permis de faire voler en éclat les boîtes intérieures où elle avait enfermé tout le chagrin qui la rongeait depuis l’enfance : l’addiction à la drogue de son père et de sa mère, le décès de sa grand-mère, le départ de son beau-père, le décès de 2Pac… 

Grâce à sa grand-mère, Jada Pinkett Smith a développé un intérêt pour toutes les religions dont le but premier est d’offrir un cadre afin de trouver le bonheur. Elle ne revendique aucune religion mais aborde la vie avec spiritualité. En tant que Guadeloupéenne, j’ai été élevée dans la foi catholique mais je suis bien consciente de l’influence du magico-religieux dans ma façon de vivre et je pense que les Caribéens ont développé leur propre spiritualité. Nous avons le paradoxe d’être autant attachés aux religions des colons qu’aux croyances ancestrales transmises de génération en génération et on le vit plutôt bien.

Ma réponse : c’est à chacun de définir ses valeurs et ses principes pour vivre en alignement avec soi-même et avec la société. Mon autodiscipline me permet d’entretenir la sérénité intérieure que toute religion promet. A chacun sa façon de gérer le chagrin, mais faire le deuil de ce qui n’existera jamais est nécessaire pour tourner la page.

Que signifie la famille pour moi ? 

Les premiers chapitres de "Worthy" relatent les moments marquants de l'enfance de Jada Pinkett Smith. Elle a été remplie d'amour et de traumatismes. D'amour pur et de traumatismes profonds. Sans entrer dans les détails, elle partage suffisamment de son histoire familiale pour comprendre pourquoi elle a longtemps souffert de stress post-traumatique et de dissociation… A cause de l'esclavage colonial, la famille en tant que cellule aimante et attentionnée est un concept que la culture caribéenne tente encore de définir. On dit qu'il faut un village pour élever un enfant, mais quel type d'environnement le village représente-t-il ? Qu’est-ce que la sécurité lorsque nos enfants sont constamment entourés de violence (sexuelle) ? Et partir à l'étranger n'arrête pas le cycle de la violence, comme nous le montre Jada Pinkett Smith avec l'histoire de sa grand-mère qui a immigré de Jamaïque. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à "Force Ripe" de Cindy McKenzie ou à "Annie John" de Jamaica Kincaid, car chaque chapitre raconte les désillusions d'une petite fille noire qui fait tout pour se protéger parce que ses parents n'ont pas la capacité de le faire... Et pourtant, elle continue à les aimer tout en cherchant comment survivre.

De nos jours, nous sommes prompts à juger nos parents pour nos problèmes, mais Jada Pinkett Smith nous montre comment faire preuve d’indulgence parce qu'elle comprend que ses parents et grands-parents ont porté leurs propres traumatismes d'enfance non résolus... C'est quelque chose que j'apprends également à faire. Reconnaître le mal que les mots et les actes m'ont causé tout en laissant de côté le ressentiment. Me tenir responsable de mes propres choix tout en comprenant la situation de ma famille. Il s'agit d'un travail difficile, d'une profonde introspection nécessaire... Cela peut prendre plusieurs années, mais le sentiment de liberté que l'on ressent lorsqu'on peut enfin accepter que "c'était ce que c'était" en vaut vraiment la peine.

Ma réponse : la famille nous enseigne l'amour et la souffrance, mais je suis responsable de la manière dont je m’aime. Je suis libre d'apprendre et de désapprendre tout ce dont j’ai besoin pour m'aimer.

Que signifie l'amitié pour moi ? 

Ces dernières années, Jada Pinkett Smith semble avoir évoqué plus souvent son amour pour 2Pac. Chaque message qu'elle publie sur les réseaux sociaux à propos de leur lien profond déclenchent de violentes réactions sur le manque de respect dont elle fait preuve en montrant autant d'amour à un homme qui n'est pas son mari. Est-ce que je pense qu'elle le fait exprès ? Oui. Surtout depuis qu'elle a expliqué qu'elle était à deux doigts de prendre le mauvais virage dans la vie. Jada Pinkett n'a jamais été quelqu'un qu’on peut blaguer. Cependant, je pense aussi qu'elle est sincère dans sa façon d'exprimer son amour pour 2Pac. Le fait qu'ils n'aient pas pu vieillir ensemble rend probablement leur connexion encore plus profonde. Le fait qu'ils soient tous les deux beaux et passionnés d'art rend encore plus incroyable le fait que leur relation n'ait rien à voir avec le sexe... Ce qui montre à quel point la plupart des gens ne savent pas ce qu'est la véritable intimité.

Son amitié avec 2Pac me rappelle à quel point il est possible de choisir d'aimer et de recevoir de l'amour sans rien attendre d'autre que de donner le meilleur de soi-même. Il s'agit de se responsabiliser et de responsabiliser l'autre. Il s'agit de respecter le point de vue de l'autre et de savoir quand se retirer. 2Pac et Jada se sont offerts le cadeau de l'intimité. Ils se sont donné la possibilité d'être eux-mêmes à un moment où il était crucial pour eux d'être aimés et réaffirmés. Ils ont pu se voir l'un l'autre derrière le masque social. 

La perte d'un ami si proche à un si jeune âge doit être d'autant plus atroce quand notre vie d’adulte correspond à la vie idéale et heureuse. Les gens n'arrêtent pas de comparer son amour pour 2Pac et son amour pour Will Smith, mais c'est une comparaison inutile parce que ce n'est pas le même type d'amour. Je ne sais pas si j'inspirerai un jour le genre d'amour que Jada et 2Pac avaient l'un pour l'autre, mais je suis reconnaissante d'avoir eu, à un moment de ma vie, quelqu'un qui m'a aidée à m'aimer quand je ne savais pas comment le faire.

Ma réponse : l'amitié n'est pas linéaire et l'intimité ne se mesure pas en fonction de la durée de la relation. La façon dont je définis une amitié est mon choix. L'amour platonique peut être aussi profond que l'amour romantique. L'intimité nécessite des limites et un engagement.

Que signifie la maternité pour moi ?

Il y a quelques années, j'ai publié un épisode spécial sur la maternité noire dans les sitcoms noires américaines des années 90. Claire Huxtable (Le Cosby Show), Tante Viv (Le Prince de Bel-Air), Thea, Harriet (La vie de famille) ou Nikki (Les Parkers) ont été mes références pendant mon enfance. Je n’ai pas de référence caribéenne plaisante car notre culture donne toujours une représentation unidimensionnelle des mères afrocaribéennes. Soit elles sont en colère et en veulent à la terre entière sans raison apparente, soit elles sont tellement passives qu'on a l'impression qu'elles n'existent pas en dehors de leur rôle de mère.

Le cinéma et la littérature caribéens offrent une représentation nuancée de la paternité noire, mais je pense que "Worthy" est la première fois où je lis sur la beauté et la laideur de la maternité en même temps, du point de vue d'une femme noire. Jada Pinkett Smith transmet l'impuissance et la puissance ressenties grâce à la maternité. L'histoire sur la façon dont elle a su qu'elle était enceinte la première fois m'a brisé le cœur. J’ai assez de recul pour comprendre aujourd'hui que Will Smith a peut-être réagi comme il l'a fait parce qu'il se sentait aussi impuissant qu'elle... Cela reste quand même un moment déchirant parce qu'elle n'était pas prête à devenir mère. Et je ne parle pas du fait qu'on a beau lire des livres, suivre des conseils, on n'est jamais prêt à devenir parent d'un nouvel être humain. Je parle de la jeune Jada qui n'était pas prête à renoncer à la femme qu'elle voulait être. Et quand elle a appris que son deuxième bébé était une fille, elle a été soulagée parce qu'elle savait qu'elle n'aurait plus jamais à subir ce processus maintenant que Will avait la fille dont il rêvait... Quand j'ai lu ce paragraphe, j'ai immédiatement pensé aux vidéos de révélation du sexe du bébé où l'on peut littéralement voir la détresse de la mère parce que le père n'est pas satisfait et qu'elle sait qu'elle va devoir subir une autre grossesse qu'elle ne veut pas.

Le patriarcat ne fait pas grand-chose pour que la maternité soit une expérience agréable. Le patriarcat veut que la maternité soit vécue comme une condamnation à perpétuité, comme la perte de l'autonomie, comme l'enlèvement de l’attention qu’on se porte en tant qu’individu. Dans "Worthy", nous ressentons la réalité de la maternité. La joie, les craintes, les espoirs et les doutes. Il est si important d'entendre une femme noire s'exprimer sur sa lutte pour conserver son autonomie tout en fondant une famille. L'esclavage colonial a fait de nous des "reproductrices". Le stéréotype de la Mammy a fait de nous des "nourrices naturelles". Quelle est notre valeur en dehors de la maternité ? Le roman "Oh Gad !" de Joanne C. Hillhouse se déroule à Antigua et nous offre différentes perspectives. Un personnage ne veut pas avoir d'enfants, un autre continue à tomber enceinte par choix bien que les médecins disent qu'elle pourrait mourir, un autre encore est indécis quant à la grossesse... Là encore, ce qui est important, c'est que les femmes sachent qu'elles ont le droit de choisir. Jada Pinkett Smith aime sa famille, mais elle a dû s'acquitter d'une taxe que le patriarcat cache à la plupart des femmes.

Au cours des deux dernières années, les réseaux sociaux et les podcasts ont facilité la discussion sur les difficultés liées à la maternité. Je me méfie du discours actuel des femmes qui disent qu'elles aiment leurs enfants mais qu'elles regrettent d'être devenues mères... Bien que je comprenne que certains aspects de la maternité sont désagréables, je pense que le fait de parler de regrets peut être préjudiciable. Les enfants ont tendance à s'en vouloir lorsque leurs parents sont malheureux. Ils n'ont pas les moyens de comprendre qu'ils contribuent au bonheur de leurs parents, mais qu'ils n'en sont pas responsables. 

Le style d’éducation de Jada Pinkett Smith a souvent été scruté et critiqué. Maintenant que Jaden et Willow sont des adultes qui utilisent leur plateforme pour créer un changement social, ces voix refusent de reconnaître qu’elle a démontré que son type de parentalité douce qui fonctionne et dont nous avons besoin en plus grand nombre. Je pense que son approche de la maternité est basée sur le fait de considérer ses enfants comme des individus, de leur donner de l'espace pour ressentir leurs émotions, de respecter leurs décisions. Elle leur fait confiance pour faire ce qui est le mieux pour eux parce qu'elle sait qu'elle sera là pour les aider si nécessaire. Cette dernière partie est, d'après ce que je vois autour de moi, la partie la plus difficile de l'éducation des enfants.

Dans la culture caribéenne, de nombreux parents pensent que leurs enfants leur appartiennent. Ils ne les considèrent pas comme des individus à part entière, dotés de leur propre autonomie. Ils ne les considèrent pas comme des êtres humains multidimensionnels ayant des pensées et des émotions à gérer, comme tout le monde. Pour revenir à ce que je disais à propos de notre concept de cellule familiale, la solidarité et la discipline font partie de nos valeurs fondamentales, mais nous posons rarement les limites nécessaires pour les mettre en œuvre d'une manière saine pour tous. La solidarité se transforme souvent en autorisation de mauvais comportements, la discipline se transforme souvent en dictature. Le mode de survie conduit souvent à l'autodestruction. Je pense que c'est la raison pour laquelle, dans les films et les livres caribéens, la mère est souvent dépeinte comme un personnage méchant ou est morte. 

Tout comme pour le concept de la "Red Table Talk", Jada Pinkett Smith passe de son point de vue de mère à son point de vue de fille. Comment gérer ses parents à l'âge adulte, surtout après avoir traversé tant de difficultés ? Une fois de plus, elle nous montre à quel point le pardon peut être libérateur mais si difficile à exprimer... Cela nous donne l'espoir de réparer les traumatismes causés par l'enfance... Il ne s'agit pas seulement pour la fille de faire preuve d’indulgence, il s'agit aussi pour la mère d’accepter sa propre humanité pour recalibrer la relation en tant que deux individus. Dans son podcast "Small Doses", Amanda Seales nous donne parfois un aperçu de cette introspection avec sa mère. Audrey Augustave, psychothérapeute haïtienne-américaine et animatrice du podcast Unloc’d, partage également ses réflexions sur la guérison de la blessure maternelle dans son épisode 16.

Ma réponse : la maternité est DIFFICILE. Il ne s’agit pas d’être la superwoman qui règle tous les problèmes. Il ne s'agit pas d'imposer ce que je pense être juste. Il s'agit de nourrir un jeune esprit afin qu'il puisse prendre les bonnes décisions pour lui. Il s'agit d'être là pour l’enfant tout en le laissant être ce qu'iel veut être.

Que signifie la féminité pour moi ? 

Les artistes caribéennes que j'admire sont des femmes qui vivent leur passion. J'ai remarqué que la plupart d'entre elles n'ont pas d'enfants, mais elles nourrissent notre société grâce à leur art. C'est pourquoi je suis confiante dans le fait de vivre ma féminité sans maternité.  Cependant, je remarque aussi qu'elles ne revendiquent généralement pas de partenaire de vie. Cela ne veut pas dire qu'elles sont célibataires. C'est juste qu'elles ont choisi de vivre dans cette société sans s'attacher à un homme. 

Jada Pinkett Smith nous fait découvrir les coulisses de sa relation avec Will Smith. Quoi qu’en disent les rageux, il n’aurait jamais eu la carrière qu’il a si Jada n’avait pas sacrifié sa carrière à elle pour assurer le bien-être de leur famille… Elle a passé plus de 20 ans à essayer de donner à Will la vie qu’il avait toujours rêvée. Alors que l'opinion publique la vilipende souvent, je n'ai vu qu'une femme essayant désespérément de s’affirmer, de trouver le sens qu’elle veut donner à sa vie. J'ai vu une femme réaliste quant à ses attentes en matière de dynamique de couple, de fidélité dans le mariage ou d'argent. Elle a passé la majeure partie de sa vie à avoir des pensées suicidaires parce qu'elle n'arrivait pas à se sentir pleinement en phase avec la vie que Will voulait vivre.  Le fait qu'il ait détourné l'épisode solo de Red Table Talk où elle avait prévu d'annoncer leur séparation, le fait qu'il ait laissé le monde la crucifier et qu'elle ait gardé le silence pour préserver son image à lui jusqu'à la sortie de son livre... Est-ce de l’amour ? Je pensais qu'il s'agissait d'une codépendance toxique, mais maintenant que je "connais" son histoire, je vois deux personnes conscientes de ne pas s’apporter l’amour dont l’autre a besoin mais ils tiennent à leur engagement d’essayer. Et Jada Pinkett Smith a été très claire dans toutes les interviews qu'elle a données pour promouvoir son livre. Will veut lui donner l'espace nécessaire pour explorer qui elle veut être. Et j'ajouterai qu'il lui doit bien ça après toutes ces années et qu’il a l’air d’en être conscient. Ils sont déterminés à s'aider mutuellement à trouver leur véritable sens du bonheur de manière individuelle. Donc ils peuvent être séparés, cela ne les empêche pas de se porter un amour sincère. Il ne s’agit probablement plus d’un amour romantique. Il ne s’agit peut-être pas d’un amour platonique… Peut-être est-ce une autre forme d’amour que la patriarcat ignore mais qui correspond à une réalité qu’on ne sait pas encore nommer ? Le mariage est supposé célébrer une union mais personne n’a dit qu’une séparation voire un divorce signait l’obligation de se haïr. En tout cas, on peut rester mariée tout en étant séparée et ne pas se sentir victime de la situation. 

Ma réponse : ma féminité ne concerne que moi. Personne d'autre que moi ne peut me rendre heureuse. Il s'agit de trouver ce qui me passionne à chaque saison de ma vie. Avoir une relation amoureuse au cours de ce processus n'est qu'un bonus et ne remplacera pas le travail que je dois faire pour me rendre heureuse.

Entre 2022 et 2023, j'ai lu tous les essais de bell hooks sur l'amour. Certains aspects ne vieillissent pas bien, mais fondamentalement, elle explique l'amour à vivre comme une pratique et pas seulement comme un sentiment. J'ai l'impression que les gens parlent sans cesse de bell hooks, mais qu'ils ne savent pas comment appliquer réellement ce qu'elle dit. Les mémoires de Jada Pinkett Smith nous montrent comment le fait de mener sa vie avec amour permet de découvrir le bonheur qui nous convient. Je lis surtout des romances, mais je n'ai jamais lu un livre rempli d'autant d'amour. Il est dans chaque chapitre, dans chaque phrase, dans chaque moment sombre. Jada Pinkett Smith explique vraiment comment elle apprend à s’aimer. C’est un processus sans fin. Je pense... j'espère que les gens, en particulier les Noirs, reprendront ce livre dans quelques années et se rendront compte de sa contribution à notre parcours de guérison collective. J'espère que les femmes noires comprendront qu'elles ne sont pas seules dans cette voie vers la guérison et que nous sommes toutes dignes d’être aimées et d’être protégées.