“Le parfum des sirènes” ou un thriller aux fragrances nostalgiques et contemporaines
Bientôt un mois que le roman est sorti, le ban pour en parler est levé, si ? Toute façon, je n’aurais pas pu en parler plus tôt. Sachant qu’une review ponctuée de cœurs me ferait perdre en toute crédibilité, je me suis accordée un délai de défangirlisation. Mon esprit méthodique ayant repris le dessus, me revoilà.
Aujourd’hui, je souhaite vous présenter Le Parfum des sirènes de Gisèle Pineau.
Résumé : jeune femme au charme envoûtant, Siréna Pérole est assassinée à l’âge de 27 ans le 14 juillet 1980. La vie reprend son cours, mais sa famille reste hantée par ce fantôme dont la mort n’a pas été élucidée.
Dans un style direct parfois cru mais toujours poétique, cette saga illustre toutes les interrogations et les discussions que j’ai depuis l’ouverture de ce blog : quelles sont les (mes) représentations passées et actuelles de la Guadeloupe et de ses habitantEs ?
La Guadeloupe du passé
Je ne parle pas du XIXe siècle ou d’une époque antérieure. Je parle de cette Guadeloupe contemporaine qui a vécu les guerres mondiales, des catastrophes naturelles dont certains témoins sont encore vivants pour en parler. C’est cette Guadeloupe de mes grands-parents, de mes parents que je connais si peu que la famille Pérole me permet de découvrir. Leur terrain porte les traces des évolutions culturelles, sociales, politiques et économiques qui transforment la Guadeloupe tout au long du siècle. Le morne où habitent les Pérole porte le visage de la beauté paradisiaque de l’île mais aussi le masque de la misère humaine, des difficultés d’aménagement du territoire, des affrontements de classes sociales… Mine de rien, le Parfum des sirènes, c’est aussi l’histoire d’une ascension vers la classe moyenne. Les membres de la famille Pérole sont des gens ordinaires, aux ambitions traditionnelles… Sauf Siréna. Sa vie nous est contée à travers la perception que les autres ont d’elle. Son parcours non-conventionnel pour sa condition suscite continuellement des sentiments contradictoires. Entre fascination et jalousie. Entre amour et haine. Elle est au coeur des relations familiales compliquées. Point de départ des discordes. Point de renouement ?
La Guadeloupe du présent
Vous savez que je n’aime pas les histoires à multiples changements de point de vue, mais Gisèle Pineau réussit le passage d’un personnage à l’autre en prenant le temps d’explorer chaque émotion. C’est ainsi qu’apparaît progressivement une galerie de portraits de femmes noires antillaises dans toute leur force et leur fragilité, dans leur humanité. Ida, la cousine vieille fille gardienne des secrets à l’esprit aiguisé, Léonne la grande soeur maternelle rancunière, Rénata la nièce avide d’amour et de reconnaissance, Mélody la nièce benjamine égocentrique… De l’extérieur, chacune joue la mascarade imposée par la société. De l’intérieur, on se rend compte qu’elles ne se bercent pas d’illusions et mènent un combat permanent pour se faire entendre.
Dans Le parfum des sirènes, j’ai été particulièrement sensible au thème des relations entre frères et soeurs. Pour la génération des années 70 et 80, il s’agit de prendre en compte aussi l’éloignement géographique. De nombreuses familles guadeloupéennes sont éclatées aujourd’hui parce que certains membres s’installent à l’étranger. C’est le poids de la distance mais surtout les occasions de se retrouver, les occasions de célébrer les racines communes qui animent la dernière partie du roman consacrée à la troisième génération.
La Guadeloupe du futur
Bon, Guadeloupe 1ère a bien spoilé la fin du roman donc je me dis que je pourrais le faire aussi… Ce n’est pas l’envie qui manque, mais je me contenterai de dire que Gisèle Pineau aborde le changement dans les modes de vie, des questions d’actualité sur laquelle la société guadeloupéenne ne pourra plus fermer les yeux. La santé mentale, le rapport aux anciens, le mariage, le couple… Bref, j’arrête sinon je vais vraiment vous parler du twist de fin. Disons donc que ce roman laisse entrevoir un monde basé sur l’acceptation de soi, sur l’acceptation de l’autre, un monde où chacun a sa place.
Ô Sirena
Faisant des allers-retours entre le début du XXe siècle et notre XXIe siècle, le Parfum des sirènes dévoile une Guadeloupe aux multiples parfums où se mêlent souffrance, rancoeur, vengeance, espoir et amour. Au cas où ce n’était pas clair, j’ai adoré ce roman qui m’a fait déterré dans ma mémoire un des tubes zouk de 1997… “Siréna” de Experience 7.
ndlr : cet article a été publié pour la première fois sur myinsaeng.com le 23/09/2017