"Uncivilized" ou le retour à la source caribéenne

Sorti en 2019, “Uncivilized” est un long-métrage réalisé par Michael Lees en 2017. En 72 minutes, il retrace sa quête aux questions : “pourquoi l’Homme a-t-il quitté la forêt ? Qu’est-ce qu’une belle vie ?”. Armé de sa caméra, il part s’installer au cœur de la forêt dominicaine pour 6 mois. Il a tout prévu, sauf le passage dévastateur de l’ouragan Maria sur la Dominique…

Une introspection volontaire…

Je fais partie des personnes qui ont du mal à concevoir les gens qui veulent vivre volontairement comme dans Koh-Lanta. Bon, l’exemple de Koh-Lanta est extrême. Mais je veux dire que nous bénéficions d’un confort de vie qui reste encore accessible qu’à un nombre limité de personnes, alors pourquoi vouloir s’en défaire ? Parce que le confort matériel ne signifie pas trouver automatiquement le bonheur. C’est ce que Michael Lees ressent en 2017 quand il retourne en Dominique pour mettre en oeuvre son projet : vivre 6 mois dans la forêt comme les premiers hommes de l’Histoire.

Le fait même de quitter son confort matériel par choix est une marque de privilège. Michael Lees en est conscient. Clair sur son besoin d’introspection, il prépare méthodiquement cette aventure aussi bien physique que spirituelle. Le montage alterne entre séquences vlog, interviews avec son entourage et panorama de la nature luxuriante de la Dominique. Quel est homme est-il sensé être ? Il documente régulièrement ses réflexions alors qu’il s’habitue à une vie rythmée par les besoins primaires : se nourrir et s’abriter. Au bout de deux semaines, il est sûr que l’homme a eu tort de quitter cette vie. Au bout de deux mois…

Pour une ouverture à la beauté de l’humanité…

L’ouragan Maria passe sur la Dominique. La séquence même consacrée à la nuit de l’ouragan dure moins de 5 minutes, mais on comprend que ces quelques heures changent complètement la perspective de Michael Lees.

Désormais il voit la civilisation pour assurer le premier besoin primaire “se protéger”. Vivre en société devrait nous permettre d’assurer notre sécurité face à la violence incontrôlable de la Nature. Mais même là, l’être humain ne peut que se préparer au pire et espérer que tout ira bien. Dans la dernière demi-heure du film, Michael Lees tourne sa caméra vers les autres et se place en simple observateur de la solidarité et de la dignité humaine. Je n’ai pas vécu le cyclone Hugo de 1989, mais les maisons détruites et jamais reconstruites faisaient partie de mon paysage quotidien quand j’étais enfant. A chaque annonce d’ouragan, je restais fascinée par les adultes se préparant tranquillement à l’éventualité de tout perdre. Ce n’est pas du fatalisme. C’est l’acceptation de sa condition humaine. Grandir dans la Caraïbe, c’est prendre conscience de sa mortalité mais aussi de la beauté de la vie. Le confort matériel ne prend une valeur réelle que si on est conscient de ce qu’est l’essentiel. Chacun a son baromètre pour définir les excès qui l'empêchent d'atteindre le bonheur.


Avec “Uncivilized”, Michael Lees cherche un sens à sa vie de vingtenaire du début du 21ème siècle. Sa quête personnelle s'est transformée en un témoignage touchant d’un Caribéen retrouvant une quiétude intérieure dans l’adversité partagée avec son île.

Photo credit: Uncilivized