Stefon Bristol : “ Je n'ai jamais ignoré ou rejeté mon identité caribéenne pour m'intégrer.”

“See You Yesterday” de Stefon Bristol est le film à l’honneur dans l’épisode 8 de mon podcast Karukerament. Je me souviens encore quand j'ai regardé la bande-annonce de “See You Yesterday” l'année dernière. Je n’étais pas prête pour une aussi belle expérience cinématographique. Lors du générique de fin, je me suis rendue compte que c'était la première fois que je voyais l'expérience de la diaspora americano-caribéenne représentée de façon contemporaine sans que l'élément caribéen soit considéré comme étranger. J'ai contacté Stefon Bristol et il a gracieusement accepté de répondre à quelques questions. Dans cette première partie, il nous parle de son rapport à son identité caribéenne et de son expérience en tant que personne de la diaspora. Bonne lecture !


Votre famille est originaire de Guyana et vous êtes le premier à être né aux Etats-Unis. Vous avez grandi à Brooklyn. Comment définissez-vous votre identité caribéenne ?

En toute franchise, je ne sais pas comment la définir parce qu'être Guyanien est quelque chose qui a toujours fait partie de moi. Mais vu que je suis né et que j'ai grandi aux Etats-Unis, je suis plus Américain que Guyanien. Et croyez-moi, ma famille ne me laisse pas oublier ce fait (rires). On m'appelle toujours le Yankee. Hey, même mes frères et soeurs et mes cousins sont ceux qui disent que je ne suis pas Guyanien. Et j'ai des amis américains qui m'ont dit que je n'étais pas Américain. Alors que suis-je? Ne puis-je être les deux ?

J'ai fait des voyages en Guyana pendant mon enfance. J'ai rencontré ma famille, j'ai appris autant que j'ai pu de mon foyer ancestral. A Brooklyn, ma mère cuisinait des plats guyanais comme de la queue de boeuf, du columbo de poulet et du roti (ndlt: galette indienne), des nouilles chow mein et que sais-je encore. Je n'ai jamais ignoré ou rejeté mon identité caribéenne pour m'intégrer. Grandir à Brooklyn, c'est avoir toujours quelqu'un originaire de la Caraïbe dans ton entourage.

Sans mentir, j'ai souvent eu l'impression d'être hors de la communauté parce que j'avais tellement assimilé la culture américaine que j'ai dû passer beaucoup de temps dans le quartier de East Flatbush pour essayer de comprendre ce que signifait être originaire de la Caraïbe. Vu que je n'ai pas grandi en Guyana, j'avais l'impression d'avoir manqué beaucoup de choses.

Vous avez mentionné dans de précédentes interviews que vous avez grandi sans voir des Caribéen.nes représentéEs au cinéma et à la télévision. Pouvez-nous nous en dire un peu plus sur ce que signifiait pour vous le fait de ne pas être représenté quand vous étiez plus jeune ? Un exemple positif ou négatif de votre expérience de (télé)spectateur ?

J’ai grandi en voyant rarement des personnages caribéens dans les films. Et s'il y en avait, c'étaient des personnages stéréotypés ou des membres d'un gang. Et j'en avais marre !

Je me rappelle du film SHOTTAS de Cess Silvera. Il a eu énormément de succès à Brooklyn quand j'étais enfant ! Tout le monde regardait le DVD ou une version piratée. Je me rappelle que des versions piratées de SHOTTAS étaient vendues sur le trottoir de Church Avenue. C'était un truc de fou ! Et je ne vais pas critiquer le film parce que c'est un film essentiel du cinéma caribéen, mais, pour moi, il était nécessaire que le mode de vie des gansters pour les Caribéens ne soit plus romancé.

Ce que je regardais en grandissant, c'étaient des films comme Love Jones, Do The Right Thing, Poetic Justice, et tout ce qui tournait autour de la vie d'un Noir américain, mais je n'avais jamais vu du film sur la vie d'un immigrant noir. Et je suis content d'avoir eu l'opportunité de le faire avec See You Yesterday.

J'ai grandi à Coney Island dans les années 1990 et au début des années 2000. A l'époque, mon quartier était submergé par les Bloods et les Crips (ndlr : des gangs importants aux USA). La culture du gang et de la violence était tout autour de mes amis et moi. Mais, et j'insiste, mais nous ne faisions pas partie de cette culture. Nos parents nous ont élevés différemment. Nous étions des nerds, et nous étions des geeks. Nous passions notre temps à jouer aux jeux vidéos ou à traîner sur les terrains de handball. On allait au magasin de comics, on collectionnait des cartes Pokémon et on regardait les matchs de catch de la WWE.

Mes parents travaillaient dur et faisaient en sorte que je sois rentré à la maison bien avant l'heure où on allume les lampadaires. Ils me faisaient aller à l'église tous les dimanches et j'allais à l'école du dimanche (ndlt: le catéchisme). Ce n'est pas la vie qu'on voit au cinéma pour un adolescent noir avec des parents caribéens.

Dans la seconde partie de cette interview, il nous parlera plus précisément de See You Yesterday. Restez connectéEs.

Photo by Cara Howe. Stefon Bristol directing.

Photo by Cara Howe. Stefon Bristol directing.

Photo utilisée avec autorisation.