#streamcaribbean - "Le Crépuscule des Lions I" de Paille (juin 2024)

Pour conclure cette série de chroniques d'albums, discutons de Paille (Martinique) et de son EP “Le Crépuscule des Lions I”. 

Je rappelle que je n'écoute pas de dancehall à la base donc je suis allée écouter ses premiers albums pour me faire une idée de son parcours pour arriver à ce qui s’annonce comme un tournant dans son développement artistique. En effet, “Le Crépuscule des Lions” reprend la structure de “Mots pour Maux” (2007) et “Inflammable” (2011) avec une intro où Paille se présente à l'auditeur.ice. Mais au lieu d'aller au combat avec l'extérieur, “Le Monstre” ouvre la porte vers l'exploration du côté sombre de la nature humaine.

 Il y a quelques années, j'avais esquissé une analyse des artistes masculins qui se comparent à la figure du Monstre en me basant sur Admiral T et le rappeur coréen Drunken Tiger (Tiger JK). En écoutant cette intro, j'ai de nouveau l'impression que les hommes ont peur de leur vulnérabilité et ont besoin de passer par la figure du monstre pour exprimer leur part d’obscurité. Et chaque chanson offre une variation des masques qu'on porte pour faire bonne figure en société. Ou plutôt ce qui se cache derrière ces masques. 

Les titres soca comme “R. O. D. R” ou “I Don't Care” invitent à lâcher prise et profiter de l'instant présent. “Krazé Kay La” est sur une instru dancehall et peut s’entendre comme son manifeste d’artiste pour se démarquer des autres. Evidemment, les pistes qui m’intéressent le plus sont celle sur l’amour romantique : “Comme Papa”, “Friendzone” et “Nou Ka Fé Yann”. Ce n’est pas la première fois que Paille chante sur cette thématique, mais cette fois-ci il insiste plus sur la recherche d’une intimité émotionnelle même dans l’intimité physique. J’avais fait ma review du clip de “Comme Papa” qui, pour moi, satisfait un regard masculin. D’une façon générale, malgré la fluidité de l’écriture et la volonté de réalisme, les paroles de ces trois chansons oscillent entre le sentimentalisme et l’érotisme que je retrouve dans la littérature “antillaise”  contemporaine. L’amour apparaît comme ce sentiment incontrôlable que l’homme considère subir surtout en l’absence de réciprocité ; la relation amoureuse monogame n’existe que dans l’idéal “ride or die” où il faut renoncer à son individualité… En fait, l’amour n’apparaît jamais comme un choix reflétant de la maturité. 

Avec “No We Can’t”, Paille reprend son rôle de conteur en racontant des tranches de vie où chaque personnage est confronté au choix de se venger d’une humiliation : l’homme dans le coma qui se fait voler sa vie, la jeune femme qui se fait trahir par sa meilleure amie, le jeune Martiniquais victime de racisme. L’instru rock donne une énergie qui invite à écouter le prochain volet. 

En conclusion, “Le Crépuscule des Lions” est un projet construit minutieusement. Je ne suis pas suffisamment familière avec la musique de Paille pour savoir s’il est sorti de sa zone de confort. En tout cas, c’est indéniablement un EP caribéen. A voir s’il en fera la promotion pour un public caribéen.

Mes pistes Karukerament 

Franchement, toutes les pistes. “Le Monstre” et “No We Can’t” sont les titres qui lui permettraient de se démarquer dans le bassin caribéen. 

ChroniquesL S