Gage, un retour de passion ?

Vous vous rappelez en novembre 2018, j'avais fait le bilan en trois actes de mes concerts de Gage ? J’avais écrit un épilogue en disant que je n'irai plus le voir chanter tant qu'il ne sera pas en promo d'un album inédit. Et j'ai tenu ! J’ai été tentée, mais j’ai tenu. Un an, deux ans, trois ans… Bon, le COVID-19 et la fermeture des salles de concert en 2020 ont aidé à garder cette résolution. Pourtant, nous revoilà, sans un album inédit, avec un nouveau concert de Gage pour, ce que j’espère, être le début d’un nouveau chapitre pour lui. 

Pause. L'article va être long. Je n'ai pas parlé de Gage depuis plus d'un an, j’ai des choses à dire !  

Ne sachant pas quand j'aurai l'occasion de le revoir, j’ai pris ma place dès que l'annonce est passée sur son feed Instagram quelques semaines plus tôt… C’est pour le 5 décembre 2021. Un dimanche. A 20h ! Sur la fin de la dernière période scolaire d'une année civile aux ravages psychologiques… Clairement, je n'assumerai pas le lendemain matin, je le sais déjà (spoiler alert, le lundi a été horrible, j'ai même perdu ma voix), mais on ne vit qu'une fois. 

Me voilà donc en route pour le concert. Mentalement prête à devoir entendre "Trop Fresh" et "Pense à Moi" au moins deux fois… Vous vous rappelez que Gage est le seul artiste pour lequel je dois toujours faire un parcours du combattant pour accéder à sa salle de concert ? Rien ne change. Je réévalue mon sens des priorités de vie en attendant mon bus dans le froid. En attendant devant le Bizz'art dans le froid. Ma batterie déjà à 75% (j'ai fait un IG live d'1h avant de venir parce que je voulais profiter du fait d’être maquillée)...  Vraiment what is my life? Mais j'entends les balances de l'extérieur et je trouve que les chansons sonnent différemment. Je me dis que c'est parce que ça fait longtemps que je ne l'ai pas entendu en live… Je ne me doute pas que…  

J'anticipe ! Je m'installe donc à l'intérieur. Au chaud et avec le hip-hop/R&B des années 90. Que demander de plus ? Un verre apparemment, vu l'insistance du jeune homme assis à côté de moi pour m’en offrir un juste parce que j’ai surveillé son tabouret quand il est allé se chercher à boire. Je suis ouverte à la discussion mais il dit exactement tout ce qu'il faut pour me déplaire: se présenter comme le frère de Corneille (je ne suis pas du tout fan de Corneille), placer la Réunion aux Antilles (en 2021, je le prends pour une offense personnelle), se croire plus expert que moi sur la carrière de Gage. Gars, VRAIMENT ? Il veut m'expliquer la discographie de Gage à partir d'un album best of… En me parlant de "Trop Fresh" et "Pense à Moi" comme le summum de son talent. Il est temps que le concert commence. Mon intelligence n'aurait pas supporté plus. Et non, je n’accepte pas qu’il m’offre un verre.  

À 15 minutes du début, je me place donc en position pour faire de belles photos et vidéos. C'est la première fois que je viens seule. Avec si peu de batterie, je vais devoir être d'autant plus sélective sur les moments où je filme car je n’ai personne pour me servir de backup pendant que je profite du concert. Tout en débattant avec moi-même sur la gestion de mon smartphone, j'observe le public. Je reconnais des habituées (j'insiste sur le féminin) que je vois à chaque concert que j'ai pu faire, mais je suis étonnée de voir des familles avec enfants, des couples dans la trentaine voire quarantaine… En fait, je crois que ce sont des gens qui ont redécouvert Gage avec "The Voice" et se sont dit que c'était l'occasion de le revoir enfin sur une vraie scène ? 

Les musiciens se mettent en place. J'ai l'habitude du batteur et du pianiste, mais le guitariste et le bassiste ? Ouh la la? Et Gladys arrive… Disons les termes. Toute l'équipe est SUCRÉE. Sobre, casual mais avec élégance. Sans porter des tenues spécifiques, chacun étant clairement dans son style habituel, la dominante de couleur sombre crée une harmonie visuelle que je vois pour la première fois dans les concerts de Gage. Ou alors peut-être était-ce dans son show sur Camino TV? Je ne le sais pas encore, mais ce changement donne le ton sur le programme à venir. 

Pour plus de photos du 5 décembre 2021, cliquez ici.

L'homme de la soirée fait son entrée. Il y a quelque chose de différent dans son allure. Dans sa façon de se déplacer, même dans sa façon de se tenir debout face au public… Exit le Gage tourmenté et à fleur de peau. Bienvenue au Gage fort et serein. Libéré. Je ne sais pas de quoi, voire de qui, mais même son regard est plus lumineux. Et pas grâce à l'éclairage du Bizz'art, mes vidéos peuvent en témoigner. C'est peut-être tout simplement la joie de revenir sur scène ? 

Comme vous le savez, je ne retiens jamais la setlist. Je sais juste qu'il chante "Trop Fresh" en numéro deux. D'habitude, c'est au milieu du set pour relancer le public après une interlude… Cette (agréable) surprise ne cesse de croître au fil des minutes.

Un Gage vocalement opérationnel ? Je connais. 

Un Gage showman sensible ? Je connais. 

Un Gage authentique? C'est ce que je vois pour la première fois.

Ce n'est pas à dire que Gage manquait de sincérité ou de passion jusqu'à présent… Mais j'avais toujours l'impression de voir un Gage dans la démonstration de son talent ou un Gage appliqué à être ce qu'il pense que les autres attendent de lui. Ce soir, j'ai l'impression qu'il se présente fièrement sans masque, sans artifice. Les larmes aux yeux, il remercie le public d'être encore à ses côtés pour ce dernier concert de 2021. Gage chante toujours avec le cœur, mais ce soir-là, il nous ouvre son âme. Et c'est un spectacle magnifique. 

Les sonorités konpa servent de fil conducteur alors qu'il passe aisément de la soul au reggae en passant par la pop rock. Sa voix claire et juste (la maîtrise de son falsetto est incroyable) porte désormais une légère fêlure qui lui donne une nouvelle profondeur. C’est ce que j’appelle la fêlure de la vulnérabilité. Cette transformation de la voix chez les artistes d’expérience qui reflète un vécu compliqué… Je l’entends dans “Un Dimanche” pour la première fois. Puis dans “Trop Fresh”. Ou peut-être que cela fait juste trop longtemps que je ne l'ai pas entendu en live ? Mais j'ai l'impression de redécouvrir la voix de Gage. 

Sa versatilité rayonne pendant ces 90 minutes qui s'envolent en un clin d'œil. En écoutant les remarques des habituées autour de moi, je me rends compte que tous ces arrangements konpa ne sont pas des inédits pour elles… Je pense malgré tout qu’il y a eu un changement dans la direction artistique. La nébuleuse des précédents concerts auxquels j’ai assisté s’est dissipée et un astre prêt à irradier commence à émerger. La passion résiliente que je décrivais il y a un an semble laisser place à une flamme au moins aussi intense qu’à ses débuts.

Ce concert du 5 décembre est un festival de premières fois pour moi. Première fois où je vois Gage sourire autant sur scène. Même dans les chansons de rupture, le gars sourit presque à chaque fin de phrase. On repassera pour l’interprétation. Hahaha !

Première fois où je vois Gage débordé par ses émotions au point d’en perdre son éloquence. Son français va dans tous les sens (plus que d’habitude) et c’est absolument adorable. 

Première fois où je vois Gage descendre dans le public. Il demande à… Non, pardon. Il informe sa manager qu’il va descendre sur le dancefloor. Elle lui fait non de la tête. Il sourit et poursuit sa chanson tout en descendant tranquillement. Les fans l’entourent sans le toucher. Même sans l’employé de la sécurité, je suis sûre que personne ne l’aurait touché sans son accord. 

C’est ce Gage rebel que je découvre enfin et qui me ravit. A partir du moment où il se permet de faire “L’encre de tes yeux” de Francis Cabrel en version konpa, le doute n’est plus permis. Je vois en live le Gage que j’ai toujours imaginé.  Il nous fait chanter, il nous fait danser, il nous guide dans un univers aux multiples influences mais qu’il domine et façonne à sa guise sans oublier qui il est. Le show se termine bien entendu sur “Pense à Moi”... version konpa. Je ne sais plus si je dois filmer, si je dois m’ambiancer. Il faut la mettre sur Spotify. Je ne veux plus d’autre version. Je me décide à filmer une partie, histoire d’être sûre que je ne rêve pas. Et pour le rappel ? Je retiens mon souffle. Est-ce que ce sera “Pense à Moi” ou “Trop Fresh”? Ni l’une ni l’autre. C’est “Viens danser”... Et je suis simplement heureuse. 

Malgré mes 400 et quelques photos et une dizaine de vidéos, ma batterie est à 30%. Miracle ! Un pourcentage suffisant pour rester et me joindre au meet & greet informel qu’il fait généralement mais auquel je ne suis jamais retournée depuis mon premier concert en 2017. Ce soir, je ne peux pas partir sans le saluer. Je l’ai déjà dit mais les fans de Gage sont le fandom le plus adorable que j’ai pu voir. Que des good vibes. La jeune femme devant moi fête son 40ème anniversaire (elle en fait 30. NO LIE!) et m’explique qu’elle comptait venir seule au concert mais ses amies lui ont fait un anniversaire surprise et ont donc été obligées de l’accompagner si elles souhaitaient passer la soirée avec elle. Franchement, assister à un concert de Gage pour son anniversaire, ça doit être bien. Bref, je digresse comme d’habitude.

Vous vous rappelez quand je vous ai dit que la musique de Gage compose la bande-originale de ma vie, qu’on se donne rendez-vous sans prévenir, on fait le bilan avant de repartir chacun de notre côté ? Quand je l’ai rencontré en 2017, j’ai pleuré dans ses bras, j’ai raté notre selfie (perdu à jamais car on m’a volé mon téléphone). Je venais de reprendre ma vie en mains, mon corps affichait encore la souffrance que portait mon cœur… Quatre ans plus tard, je le revois. Je peux répondre à ses taquineries sans fondre en larmes, je réussis notre selfie (j’ai eu le temps de m’entraîner depuis, vous pensez bien) et je ris dans ses bras. 

La musique de Gage a toujours trouvé une façon de s’immiscer dans ma vie quand ça n’allait pas. Elle a toujours été là, en background. Elle m’a mise en colère, m’a blessée, m’a fait souffrir, m’a fait pleurer. Quand je l’ai écoutée ce 3 novembre 2017, elle m’a apaisée, m’a fait sourire, m’a donné envie de danser. C’était la première fois. Et comme j’ai enfin trouvé une énergie positive, je suis sûre que ce ne sera pas la dernière fois.

Que de chemin parcouru depuis 2015 quand j’écoutais son duo avec Stony sur “Parle-moi” en me promettant que j’irai à un de ses concerts une fois ma convalescence terminée… Rien n’arrive sans rien. Aujourd’hui, je vais bien. Malgré les nouvelles épreuves de la vie qu’il a dû affronter ces deux dernières années, j’espère que lui aussi. En tout cas, il en a l’air.

Être d’ombre et de lumière. Le goût de vivre, la force de continuer. Comme un guerrier qui a foi en lui. Il ne vit vraiment que pour ça. Son moment (re)viendra.

Pour plus de photos du 5 décembre 2021, cliquez ici.

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