#condéchallenge2021 - Capsules 15 - 19
Les Belles Ténébreuses (2008)
Né à Lille, de père guadeloupéen et de mère roumaine, Kassem ne sait où se situer et se voit forcé d'endosser des identités qu'il n'a pas choisies. Il rencontre le Dr Ramzi dont il devient l'assistant et le protégé. Le médecin a une réputation sulfureuse. Kassem soupçonne des pratiques douteuses, voire coupables. Mais Ramzi exerce sur lui une fascination dont il ne peut se défendre. Ce Dr Ramzi est-il vraiment un sauveur ? Kassem saura-t-il s'affranchir de lui ? Énigmes et rebondissements sur un rythme haletant nous entraînent dans l'univers de Maryse Condé, sur les pas de son héros au destin à la fois burlesque et pathétique.
Là, on entre dans une nouvelle phase de la bibliographie de Maryse Condé. Une phase qu’on pressent depuis La Belle Créole mais qui s’exprime pleinement avec Les Belles Ténébreuses, En attendant la montée des eaux et Le Fabuleux et triste destin d’Ivan et Ivana. Pour moi, ils se lisent comme une trilogie parce qu’ils ont des thèmes, des structures similaires et il y a des références artistiques communes, notamment par rapport à la culture haïtienne. J’ai envie de dire qu’ils forment un MCU: Maryse Condé Universe. Le personnage principal est un homme basique qui n’a aucune idée de ce qu’il veut faire sa vie donc il se trouve une obsession et part à l’aventure pour essayer d’échapper à l’ennui ou à la folie. On a donc un basculement dans la vision du monde que Maryse Condé écrivait jusque là. La Guadeloupe était au centre, les personnages la quittent mais y reviennent par choix ou par obligation. Ensuite on a des personnages qui quittent la Guadeloupe mais n’y reviennent pas forcément. Et ils étaient tous dans une forme de quête identitaire par rapport à où est ma place de Guadeloupéen en Guadeloupe? Là on a des personnages qui cherchent leur place dans le monde. La Guadeloupe n’est qu’un point dans une trajectoire qui s’établit en passant d’un pays à l’autre. Kassem est la forme la plus poussée du basique. Aucune personnalité. Il veut être libre et heureux mais il ne sait pas comment l’être parce qu’il ne sait pas où est sa place. Il a l’impression d’être un étranger partout, même dans sa propre famille. Le personnage de Ramzi est fascinant. C’est un caméléon capable d’adopter n’importe quelle identité et de faire du mal sans aucun état d’âme. Et dans notre entourage, il y a beaucoup de Ramzi. Ces personnes qui ont l’air bien sous tout rapport mais en fait ne sèment que le chaos autour d’elles. Des prédateurs qui ne vivent qu'en faisant du mal aux autres. Dans ce roman, c’est la première fois où Maryse Condé explore les dynamiques de pouvoir dans une relation exclusivement masculine. Je dis bien masculine et pas homosexuelle. Les personnages de Maryse Condé sont solitaires. Le si peu de contact avec les autres est généralement conflictuel. Il n’y a que dans La colonie du Nouveau monde qu’elle écrit sur une dynamique de groupe mais c’est un groupe mixte. Dans Hugo Le Terrible, on voit une représentation d’amitié masculine mais ce sont des pré-ados. Avec Les Belles Ténébreuses, c’est le premier roman où le focus est sur une relation entre deux personnages masculins et je retiens que tout être humain, homme comme femme, peut se faire retourner le cerveau dès qu’on lui manifeste un semblant d’affection.
Le titre #streamcaribbean est “Pasaj” de Grégory Privat. Grégory Privat, c’est mon coup de cœur jazz de 2020. C’est un pianiste martiniquais. Il n’a pas peur de mêler les sonorités électro et jazz. J’ai enfin pu le voir en concert en décembre, faudra que je vous raconte mon moment fangirl et comment j’ai pu faire un selfie avec lui. Je trouve que sa musique est tellement expressive et a une telle profondeur que ses albums sonnent comme des bandes-originales de film. “Pasaj” est sur l’album “Luminescence” qu’il a fait en collaboration avec Sonny Troupé. J’ai choisi ce titre parce que j’aime l’idée du passage qui reflète l’errance de Kassem et de Ramzi. Le passage d’un pays à l’autre, le passage d’une identité à l’autre.
En attendant la montée des eaux (2010)
Babakar est médecin. Il vit seul avec ses souvenirs d’une enfance africaine, d’une mère aux yeux bleus qui vient le visiter en songe, d’un ancien amour, Azelia, disparue elle aussi, et autres rêves de jeunesse d’avant son exil en Guadeloupe, berceau de sa famille. Mais le hasard ou la providence place une enfant sur sa route et l’oblige à renoncer à sa solitude, à ses fantômes. La petite Anaïs n’a que lui. Sa mère, une réfugiée haïtienne, est morte en la mettant au monde, lui léguant sa fuite et sa misère. Babakar veut lui offrir un autre avenir. Ils s’envolent pour Haïti, cette île martyrisée par la violence, les gouvernements corrompus, les bandes rebelles, mais si belle, si envoûtante. Babakar recherche la famille d’Anaïs, une tante, un oncle, des grands-parents peut-être, qui pourraient lui raconter son histoire. Mais Babakar ne rencontre personne et ne peut compter que sur lui et sur ses deux amis Movar et Fouad. Des hommes qui lui ressemblent, exilés, solitaires, à la recherche d’eux-mêmes et qui trouvent à Haïti des réponses à leur quête, un lieu de paix au milieu des décombres.
Dans ce second volet de la trilogie, la dynamique de la relation masculine passe du duo au trio. Encore une fois, il n’y a pas d’ambiguïté sur le fait que ces hommes soient hétéro, mais ils nouent une relation sincère. Et c’est encore trop rare à mon goût qu’on voit la fragilité de personnages masculins sans les stigmatiser. Mais ce que je retiens surtout c’est la représentation de la parentalité masculine. Babakar est un homme noir qui a envie d’être père et qui va tout faire pour l’être officiellement aux yeux de la loi. Des hommes qui veulent assumer leur rôle de père, ça existe. J’en connais, mais dans notre système de représentation actuel, ils sont absents. Dès qu’on parle des problèmes de la société guadeloupéenne, on met en avant l’absence des pères… Au bout d’un moment, il faut s’interroger sur pourquoi ces hommes se sentent complètement déresponsabiliser envers leurs enfants. Mais c’est un débat pour un autre jour. En tout cas, les personnages de ce roman réussissent à créer un lien avec une autre personne. Avant Célanire Cou-Coupé, les personnages de Maryse Condé étaient vraiment seuls, même quand ils étaient en couple. Là, elle continue de s’intéresser aux rapports dans un duo. Par rapport à la structure du récit, la majorité du roman se passe à Haïti donc Maryse Condé nous montre le désordre politique, le chaos organisé par les gangs… On sait qu’elle n’écrit jamais au hasard, elle fait des recherches mais je ne me sens pas légitime pour dire si ce qu’elle propose est réaliste. Par contre, on peut souligner qu’elle humanise les Haïtiens en essayant d’expliquer pourquoi le pays est dans cette situation difficile.
Le titre #streamcaribbean est “Haïti” du Collectif Big In Jazz. C’est un groupe de jazz créé à l’occasion d’une résidence pour les 18 ans du festival de biguine en Martinique. Il réunit quelques-un des meilleurs jazzmen de Guadeloupe, Martinique et Haïti. Je vais tous les nommer parce qu’ils méritent et vous reconnaîtrez certains. Ralph Lavital, Yann Négrit (guitare), Tilo Bertholo, Sonny Troupé (batterie), Stéphane Castry (basse), Maher Beauroy (piano), Jowee Omicil (saxophone), Ludovic Louis (trompette). J’ai choisi ce titre pour rendre hommage à Haïti.
Le fabuleux et triste destin d’Ivan et Ivana (2017)
Ivan et Ivana naissent à Dos d’Ane, une bourgade de la Côte sous le vent en Guadeloupe. Autour d’eux ne se pressent que des femmes : leur mère Simone, leur grand-mère Maeva, des belles-tantes, des belles-cousines et autour le souvenir de leur père musicien qui les a quittés. Mais Ivan aime trop sa sœur et un jour un acte de violence enclenche la marche du destin. La famille quitte les îles pour le Mali. La colère et la dérive d’Ivan vont s’amplifier, la douceur d’Ivana se transformer en poison. Jusqu’au jour du grand affrontement où ils comprendront qu’ils ne sont pas seulement frère et sœur et jumeaux : ils sont les héritiers d’une longue histoire, ils sont le bien et le mal et ils sont capables du plus grand amour comme de la haine la plus farouche. Maryse Condé nous raconte ces deux vies qui n’en sont qu’une : le destin d’Ivan et d’Ivana de Pointe à Pitre à Ségou au Mali, de Ségou à Paris.
Erf. Comme je vous disais, on est dans le MCU, dernier volet de la trilogie du Maryse Condé Universe. Les personnages circulent de Guadeloupe à Ségou puis à Paris. La ville de Ségou n’était pas réapparue dans ses romans avant celui-là. Ce roman franchement, il m’a fatiguée. Je sais que Maryse Condé voulait nous faire réfléchir sur la notion d’attachement à une nation, à l’obsession identitaire dans le monde actuel, le désespoir que les jeunes ressentent pour basculer dans le fanatisme religieux, mais personnellement la présentation m’a laissée dubitative. Autant j’étais fan de l’écriture, autant le développement des personnages était déséquilibré. Elle laisse beaucoup plus de place au point de vue d’Ivan alors qu’Ivana souffre tout autant et on termine par les ériger en allégorie du bien et du mal… Je n’ai pas compris. Mais ce qui m’a vraiment dérangé, c’est le discours sur l’homosexualité. Je ne sais pas si Maryse Condé voulait juste être ironique et en a trop fait ou si elle était intentionnelle dans son exagération et dans ce cas-là, je ne peux que demander pourquoi ? Peut-être que c’était pour tourner en dérision l’obsession de la société autour de la virilité. Je ne sais pas du tout. Je sais juste que j’ai trouvé ça stigmatisant.
Pour finir, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais je vous avais dit que Célanire est le roman le plus sensuel de Maryse Condé à ce jour. Le fabuleux destin d’Ivan et Ivan est le roman le plus sexuel. C’est pour ça que je vous dis que si elle avait mis son énergie créatrice au service de la romance, la société guadeloupéenne voire mondiale aurait été différente. Si ça se trouve, peut-être qu’elle a écrit de la Black romance en anglais sous un nom d’emprunt… Juste pour le fun. Bon j’arrête mes délires. Vous aurez compris le fabuleux et triste destin d’Ivan et Ivana, c’est non pour moi. Et je m’en veux d’autant plus de ne pas l’avoir apprécié que je trouve que c’est le roman avec la plus belle couverture. Celle avec les deux visages noires sur fond jaune. Mais bon, tant pis. La seule chose que je retiens, c’est que Maryse Condé raconte le basculement d’un basique vers le médiocre et on arrive à le prendre en pitié.
Le titre #streamcaribbean est “Pitit a papa” de Keros-N. Artiste de dancehall rap guadeloupéen. Honnêtement, j’avais entendu parler de lui en passant, il fait partie de ceux qui prennent position quand il y a un conflit politique. Et il était mon point de référence pour créer le Marvin dans la première nouvelle de Love Mwen. Le gars locksé tatoué qui cherche la rédemption, tu sais? Mais je n’avais jamais fait l’effort d’aller écouter ce qu’il fait et je suis tombée sur ce titre en suggestion Youtube. La mélodie au ka, j’adore. Et les paroles sur ce qu’est être Guadeloupéen… C’est juste parfait pour représenter Ivan.
Le coeur à rire et à pleurer (2001)
Dans la Guadeloupe des années cinquante, on tient son rang en se gardant de parler créole; on méprise plus noir et moins instruit que soi. Les conventions priment les sentiments: on ne cède pas aux larmes devant le cadavre d'un être cher; on cache, infamie, un divorce dans la famille. Contre des parents qui semblent soudés surtout par le mensonge, contre une mère aussi dure avec les autres qu'avec elle-même, contre un père timoré, la petite Maryse prend le chemin de la rébellion. L'insoumission, la franchise assassine, l'esprit critique forgent son caractère. La fuite dans un monde imaginaire, la soif de connaissance, les rêves d'autonomie et de liberté la guident vers son destin d'écrivain. Mais peu à peu la mémoire adoucit les contours, les épreuves de la vie appellent l'indulgence, la nostalgie de l'âme caraïbe restitue certains bonheurs d'enfance. Et Maryse se souvient alors de cet instant qui lui redonna l'amour des siens, de cette ultime nuit où roulée en boule contre son flanc, dans son odeur d'âge et d'arnica, dans sa chaleur, elle retrouva sa mère en la perdant.
L’exercice de l’autobiographie est difficile. Je sais que je m’avance, mais c’est mon podcast et je fais ce que je veux. Mais pour moi, Maryse Condé a autant écrit sur sa vie, c’est parce qu’elle avait peut-être besoin d’évacuer certains traumatismes, mais surtout pour garder une trace et qu’on n’aille pas raconter n’importe quoi sur sa vie. Comme je l’ai dit en introduction, Maryse Condé a eu une vie fascinante. Elle a accompli tellement de choses mais quand on la lit, elle porte un regard tellement dur sur la femme et surtout la maman qu’elle a été. Dans le Coeur à Rire et à Pleurer, elle écrit sur sa relation avec sa mère pendant son enfance jusqu’au moment où elle va passer dans le monde adulte. Une relation très difficile et basée sur une incompréhension mutuelle. Comme je l’ai dit, le poids des responsabilités pèse lourd sur les mamans antillaises. Quand tu es petite, puis ado, tu ne comprends pas toujours. Et puis toi aussi tu subis des injustices, la société te fait comprendre que tu dois te conformer… Et ça remet les choses en perspective. Toute proportion gardée, bien sûr. Chaque famille est différente. Ce roman est clivant mais je n’ai jamais compris pourquoi. Soit les gens aiment, soit ils ne l’aiment pas. Personnellement, je l’ai apprécié.
Victoire, les saveurs et les mots (2007)
Cuisinière au savoir-faire inoubliable, Victoire Élodie Quidal travaille au service d'Anne-Marie et Boniface Walberg, à La Pointe. Sa virtuosité et son excellence sont recherchées par la bonne société guadeloupéenne qui la réclame dans ses cuisines... Victoire, qui n'a pas été épargnée par le destin, connaîtra-t-elle enfin son heure de gloire ? C'est avec une affection toute particulière que Maryse Condé brosse le portrait attachant de cette femme qui fut aussi sa grand-mère.
Ce roman raconte l’histoire de la grand-mère de Maryse Condé et la relation entre la grand-mère et sa fille qui est donc la maman de Maryse Condé. Encore une fois, c’est vraiment incroyable de réussir à construire tout un récit aussi frontal sur sa famille qui n’épargne personne. C’est aussi l’occasion pour Maryse Condé de s’écrire une origine story sur sa passion pour la cuisine. Ce que je retiens, c’est la mise en scène des changements familiaux à cause des changements de dynamique sociale et Maryse Condé n’a pas peur de décrire des comportements désagréables qu’elle présente comme la manifestation des frustrations et de rêves inassouvis. Encore une fois, ce que je retiens, c’est que d’une génération à l’autre, les vécus varient et il est parfois difficile de le comprendre et cela entraîne de la souffrance chez tout le monde.
Le titre #streamcaribbean est “Guadeloupe” interprété par Manuela Pioche. C’est juste pour l’ambiance et pour rendre hommage à la Guadeloupe. Le coeur à rire et à pleurer nous montre la façon dont Maryse Condé a quitté la Guadeloupe, comment elle a découvert qu’elle était noire et comment elle a découvert l’amour. Victoire nous montre la Guadeloupe du début du 20ème siècle.
La Vie sans fards (2012)
“La Vie sans fards est peut-être le plus universel de mes livres. J'emploie ce mot universel à dessein bien qu'il déplaise fortement à certains. En dépit du contexte très précis et des références locales, il ne s'agit pas seulement d'une Guadeloupéenne tentant de découvrir son identité en Afrique ou de la naissance longue et douloureuse d'une vocation d'écrivain chez un être apparemment peu disposé à le devenir. Il s'agit d'abord et avant tout d'une femme cherchant le bonheur, cherchant le compagnon idéal et aux prises avec les difficultés de la vie. Elle est confrontée à ce choix capital et toujours actuel : être mère ou exister pour soi seule. Je pense que La Vie sans fards est surtout la réflexion d'un être humain cherchant à se réaliser pleinement. Mon premier roman s'intitulait En attendant le bonheur : Heremakhonon, ce livre affirme : il finira par arriver".
Moi je suis pour un biopic de Maryse Condé. Si ça se trouve le scénario est déjà écrit mais le projet attend juste un financement. En 2012, Eva Doumbia a mis en scène une pièce de théâtre adaptée de La Vie sans fards avec le soutien de Maryse Condé. Comme Le Coeur à rire et à pleurer, “La vie sans fard” est clivant. Soit les gens aiment, soit les gens détestent. Personnellement, j’ai apprécié en découvrir plus sur sa vie de femme qui avance tant bien que mal dans un monde patriarcal. Je trouve courageux qu’elle ait parlé de son rapport à la maternité. Elle démystifie complètement ce que signifie être mère. Le paradoxe, c’est qu’elle se présente comme faisant tout pour assurer le bien-être de ses enfants, mais à ses yeux, elle n’en fait jamais assez ou elle s’y est mal prise. Sans porter de jugement, elle a juste été une femme et une mère ordinaire qui improvise chaque jour en espérant juste que tout se passera bien. Ceci étant dit, elle était dans une période historique agitée politiquement donc elle s’est retrouvée plusieurs fois dans des circonstances extraordinaires. Faire tout ce qu’elle a fait, avec 4 enfants, en étant en couple ou célibataire, moi-même j’étais au bord de la crise de panique en lisant certains passages.
Mais ce que je retiens au final, c’est qu’elle a un formidable instinct de survie et que la culture a été la réponse à chaque fois pour se sortir d’une impasse. Comme tout le monde, elle a fait des choix et en a assumé les conséquences. Les chanteurs aiment beaucoup utiliser la figure de Solitude comme symbole de femme forte, fanm doubout. Il est vraiment temps d’utiliser des figures plus contemporaines et Maryse Condé mérite toute cette admiration. Une petite-fille de cuisinière, une fille-mère, un témoin des luttes pour la libération des Noirs dans les années 60, une professeur émérite et une autrice qui n’a eu de cesse de raconter la Guadeloupe et d’en être l’ambassadrice à travers le monde… Il y a de quoi inspirer les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens sur plusieurs générations.
Mets et Merveilles (2015)
Maryse Condé nous fait voyager à travers les mots et les mets. Tout au long de ce livre, elle s'interroge : pourquoi la cuisine est-elle si importante dans sa vie et dans son oeuvre de romancière ? Comment ces deux dons - celui d'écrire, celui d'inventer des plats - ont-ils cohabité en elle, s'influençant, s'enrichissant mutuellement ? On découvre une vie passionnante, de curiosité, de générosité, aussi bien à son bureau d'écrivain que derrière les fourneaux et à table ; une vie d'épreuves surmontées par la gourmandise : gourmandise pour les mots, les hommes, les histoires et les mets.
Du point de vue narratif, c’est le roman le plus simple de Maryse Condé. C’est une compilation d’anecdotes où la cuisine est le fil conducteur pour lui permettre de parler d’expériences marquantes à différents âges de sa vie et dans les différents pays qu’elle a visités. C’est aussi l’occasion, je pense, de reconnaître des actes ou des pensées qu’elle a pu regretter. Par exemple, elle parle de sa réaction homophobe au moment où son fils lui fait son coming out. Elle le dit en une phrase, mais c’est suffisant. Je retiens surtout qu’elle a voulu effectuer le retour au pays et n’a pas réussi, faute d’y trouver sa place. Elle a cherché à se définir elle-même en tant que femme noire, Guadeloupéenne, noire et française. Elle a cherché cette réponse chez les Noirs d’Afrique, chez les Noirs d’Europe, chez les Noirs des Etats-Unis et même chez elle en Guadeloupe. L’a-t-elle trouvé ? Quand j’ai commencé Karukerament, je pensais que chacun trouvait cette définition à un moment dans sa vie, mais je me rends compte que ma définition sera toujours évolutive et qu’elle ne dépendra que de moi et au moment où j’en serai dans ma vie.
Le titre #streamcaribbean est “Tanbou” du groupe Akiyo. Je l’ai choisie parce que c’est un de mes premiers souvenirs musicaux après mon retour en Guadeloupe. Je ne comprenais pas les paroles. J’écoutais juste le ka et il m’arrivait parfois d’être au bord des larmes sans savoir pourquoi. Cette chanson m’émeut encore presque 30 ans plus tard. Je sais désormais ce qui fait de moi une Guadeloupéenne.