Minisode 2024 - Les fictions audiovisuelles sur l'esclavage depuis 2020

Yé Moun La ! Pour célébrer le mois des abolitions de 2024, voici un minisode sur les oeuvres de fiction françaises sur l'esclavage transatlantique et ses conséquences contemporaines.


Le 18 mai 2024, j’étais au concert Séw Nou Enwmé de Kassav’. J'ai passé les vingt premières minutes du concert à essuyer mes larmes parce que j’avais un trop plein d’émotions. Plus tôt dans l'après-midi, j’avais animé un atelier sur comment raconter l'histoire de l'esclavage aux enfants. C’était la deuxième partie d’un atelier créé par l’association Diveka et que j'avais co-animé en 2019. Et fun fact, déjà en 2019, l'atelier s’était tenu le jour d'un concert de Kassav’. C’était pour les 40 ans. Cette année, c'était le 18 mai, le jour du concert hommage à Jacob Desvarieux, co-fondateur de Kassav’ et décédé en 2021. Et Kassav’ est un groupe qui a tenu la même ligne éditoriale depuis ses débuts : raconter les émotions des peuples de Guadeloupe et Martinique. Quand je dis émotions, je parle de la colère, de la frustration, de la souffrance, de l’amour et de la fierté. Chaque chanson raconte notre humanité dans toutes les situations de vie qu'un être humain peut rencontrer. Et je garde espoir que la délicatesse et la franchise dont le groupe a fait preuve pour nous représenter dans sa musique se retrouvera dans les fictions françaises. En particulier, celles sur l'esclavage. 

Le paysage audiovisuel a-t-il avancé depuis 2020 quand j'ai fait mon Hors-série 3? Oui et non. Oui dans le sens où il y a une volonté politique mémorielle. Je sais qu’à notre échelle temporelle, on a toujours l'impression que ça ne va jamais assez vite. Mais je constate que dans mes presque 40 années de vie, j'ai vécu le 150 tenaire de l'abolition de l'esclavage de 1848, la loi Taubira de 2001 reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'humanité, la création du Memorial Acte en Guadeloupe en 2015 (dont la gestion depuis est une saga politique à elle seule), la création de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage en 2019, l'inauguration d’une statue de Solitude à Paris en 2022 alors que je passais la statue de Solitude aux Abymes quasiment tous les jours quand j'allais au lycée. Et actuellement il est prévu qu’un mémorial national des victimes de l'esclavage soit installé dans les jardins du Trocadéro…

Si on parle du paysage audiovisuel, la chaîne France Ô a disparu en 2020, mais entre 2016 où j'ai vu Le Gang des Antillais de Jean-Claude Barny au cinéma et 2024 où j'assiste à la 3ème édition du festival “Esclavage et cinéma” créé par la FME, je peux mettre à jour ma filmographie avec “Le Soldat noir” et “Les Rascals” de Jimmy Laporal-Trésor, “Ici s'achève le monde connu” d'Anne-Sophie Nanki qui sont des films qui élargissent le cadre français de la représentation de l'esclavage et de ses conséquences contemporaines. Il y a aussi de nouveaux films documentaires comme “La couleur de l'esclavage” de Patrick Baucelin qui a déjà quelques prix à l'international. Il y a le documentaire “Sortir de l'esclavage” de Fanny Glissant qui devrait sortir l’année prochaine et qui est dans la continuité du documentaire sur les routes de l'esclavage de 2018. Sans traiter directement de l'esclavage mais se déroulant dans la Caraïbe du 17ème siècle, la websérie “Black Caesars revenge” produit par Jean Fall et Elora Cadasse est en cours de création grâce à une campagne participative qui a engrengé plus de 17 000 euros. 

Pour ce qui est de la représentation de l'esclavage dans l’Océan Indien, Réunion La 1ère a diffusé la mini-série documentaire “Nwar” sur des histoires d’esclaves en 2021. Le long-métrage Ni Chaîne Ni maître de Simon Moutaïrou devrait sortir fin 2024. L'histoire se passe à l’île Maurice en 1759. En 2025, Abd El Malik sortira son long-métrage l’affaire de l'esclave Furcy. Une série dont je ne connais pas le titre devrait être diffusée sur les chaînes publiques.

Ce bref panorama montre que Code Noir, les Révoltés du Gaoulet dont je vais vous parler dans le prochain épisode n'est pas une initiative isolée. Sachant que la production d’un projet audiovisuel met environ 3 à 4 ans pour aboutir, sans compter la partie conception qui peut durer beaucoup plus longtemps, on vit une période où la thématique de l'esclavage intéresse. D’où l'importance d'avoir une grille de lecture pour voir si les récits proposés innovent positivement dans la représentation de l'esclavage ou s'ils entretiennent les schémas déshumanisants qui maintiennent le public dans la confusion. Je rappelle que ce qu’on veut, c'est que le peuple français connaisse son histoire dans son ensemble afin de faire des choix éclairés quand il exerce ses droits citoyens pour que la société contemporaine soit meilleure. Donc oui, le paysage audiovisuel français continue de s'enrichir, mais ce n'est pas pour autant que j'entends ou que je vois des analyses sur le récit français… ce qui fait que je me retrouve à faire ce Podcast. 

Dans l'atelier du 18 mai 2024, j'ai dirigé des exercices pratiques avec la grille Karukerament sur des ressources françaises écrites. Sans vous refaire l'atelier, je tenais à vous en donner un aperçu avec une analyse express de Code Noir, les Révoltés du Gaoulet. Rendez-vous au prochain épisode.