#streamcaribbean "Féeries" de Rachelle Allison

On continue la série des chroniques #streamcaribbean de 2023. Après Lorenz et son EP “Lunatiq” (janvier), Kevni et de son EP “INEVITAB” (février), Yoan et son “Gemini II” (février), il est temps de passer à Rachelle Allison et son album “Féeries” sorti à la fin du mois de février. 

Dans ma discussion #streamcaribbean avec Meemee Nelzy, j’ai évoqué mon mini-regret de ne pas avoir grandi avec une chanteuse guadeloupéenne que j’aurais vu comme une cousine voire une grande soeur. Cette femme aurait chanté ses expériences qui m’auraient aidé à mieux comprendre notre société du début 21ème siècle avec des sonorités de chez moi, des exemples, des métaphores qui m’auraient parlé directement… Elle aurait été une voix qui m’aurait montré une féminité différente des normes qu’on nous impose. Et je pense que Rachelle Allison s’est bien tracée ce couloir.

S’il est difficile de définir ses ambitions artistiques pré-2019,  le mini-album “Esquisse” (2019) marque une évolution. Sur les trois années qui suivent, elle enchaîne les singles mais reste sur sa stratégie initiale de se mettre en lumière à travers des collaborations. De l’amoureuse joueuse dans “Pitché” avec Matieu White à la grande soeur protectrice pour “Ma Petite” avec Meryl en passant par la séductrice dans “Animal” avec Jok’Air ou l’amoureuse comblée dans “Kind Love” avec Lu City, ses explorations artistiques dans l’album “Si J’étais Pire” (2021) préparent l’image de la conteuse d’histoires qui apparaît avec “Féeries”.

Je ne m’attarderai pas ici sur les 4 collaborations exclusivement masculines de cet album qui cumule déjà plus d’un million de streams sur Spotify. Avec un featuring de Jahyanai pour “Trophy”, de Railfé pour “Liquid”, de Jewel Usain pour “RAF” et Ya Levis pour “Le Mental”, elle passe facilement du dancehall à l’afropop en passant par la trap et du rap R&Bisé. Ses dix ans de carrière s’entendent dans la maîtrise de sa voix versatile.

Par contre, cette image d’une femme libre dans sa sexualité rayonne davantage dans ses titres solo car ses paroles racontent l’amour en toute vulnérabilité et sensualité. Avec “Secret” en ouverture et “Capitaine”, elle chante la passion, l’excitation des débuts de la relation amoureuse. Puis All You Need et “Tous Les Jours” nous font (re)vivre les incertitudes entre une histoire qui n’arrive pas à se finir et une histoire qui n’arrive pas à commencer. Enfin, “Imparfaite”, “Too Hot” et “La Nuit Tombée” reflètent l’ambivalence dans notre recherche d’intimité. Il est facile d’accuser l’autre d’avoir un comportement toxique, mais est-on sûr.e d’avoir toujours le bon comportement en toute circonstance ? Sans avoir la prétention de donner la réponse juste, Rachelle Allison invite à l’introspection sur ce qu’on est prêt.e à subir ou faire subir par amour de l’autre et/ou par manque d’amour de soi. Ceci étant dit, la fin chaotique d’une histoire ne signifie pas nécessairement une fin malheureuse. 

En résumé, “Féeries” est l’album que mon moi adolescent aurait certainement mis dans son mp4 sans forcément tout comprendre. Au fil de mes expériences, certaines paroles auraient pris tout leur sens. L’adulte que je suis le découvre à un âge où j’apprécie entendre parler d’amour et de sexe avec les contradictions qu’on peut réellement ressentir. Musicalement, l’album a de quoi satisfaire les fans de la première heure et plaire au public qui porte la pop urbaine au détriment de notre zouk. La tendance caribéenne étant de nouveau d’actualité sur le marché musical américain et l’afro(love) pop étant la tendance du marché français depuis cinq ans, il sera intéressant de voir comment Rachelle Allison se positionnera pour se démarquer dans les mois à venir. Quel est ton titre préféré de cet album ?