#streamcaribbean "OZOROR" de Meryl, "An Vivan" de Maalkhema, "VEYRON" de Lé Will & Deuspi
On continue la série des chroniques #streamcaribbean de 2023. Après Lorenz et son EP “Lunatiq” (janvier), Kevni et de son EP “INEVITAB” (février), Yoan et son “Gemini II” (février), Rachelle Allison et son album “Féeries” (février), Maeliah et son EP “Aurore” (mars), il est temps de passer à du hip-hop.
Je ne vais pas faire de chronique complète parce que mon intérêt pour le rap s'est éteint au début de l'ère Trap dans les années 2000. Le hip-hop coréen des années 2010 m'a permis de suivre de loin la diffusion de la drill mais l'évolution musicale du rap français m'a laissée complètement neutre, d'autant plus que je n'ai jamais vu mon identité représentée au niveau national. Non pas que la Guadeloupe et la Martinique n'ont pas eu des représentants médiatisés dans les années 90/2000 comme Lady Laistee, Doc Gynéco (Secteur Ä) ou encore JoeyStarr (NTM) sans oublier Sir Samuel et Vicelow (Saïan Supa Crew)... J'étais (et suis toujours) R&B/pop et je ne me suis jamais investie dans le rap français. Je ne comprenais pas assez bien le créole pour m’investir dans le hip-hop Kréyòl de La Horde Noire, Karukera Crew etc. Bref, je n’ai jamais été le public cible du rap français, donc mon avis vaut ce qu’il vaut. Les trois albums que je retiens de ce premier semestre 2023 valorise notre identité caribéenne.
Meryl - OZOROR (avril 2023 ; Martinique)
C’est l’album qui se rapproche le plus de ce qui fonctionne dans le rap français actuellement. Je vois les métaphores qui accrochent comme l’amour comparé au “Coca-Cola Mentos”. J’entends la fluidité lyricale dans l’enchaînement des références (pop) culture en créole, français et anglais. Je ressens sa rage de vaincre à travers les thèmes récurrents de l'amour, de la débrouillardise, la vie d’artiste… Mais, et c’est l’avis que j’avais déjà eu après “Jour Avant Caviar”, j’ai l’impression qu’elle reste dans sa zone de confort. Oui, elle sait faire des hits pour le marché français, elle est à l’aise avec son identité caribéenne pour faire des propositions reggae, injecter des clins d’oeil à des classiques dancehall, mais en terme d’originalité artistique, quelles sont ses standards à elle ? Je ne sais toujours pas… Mais elle est encore jeune avec l’obstacle de ne pas avoir d’exemple de réussite à long terme pour une femme dans ce créneau. Elle semble continuer à préparer le terrain tout en s’émancipant des chaînes mentales de l’industrie française pour se définir elle-même. C’est à ça que sert notre vingtaine de toute façon. Avec plus de 2 millions de streams cumulés sur Spotify, il est certain qu’elle avance dans une bonne direction. A voir ce qu’un “Ghost” libéré créera en laissant libre cours à une fantaisie digne de “Jack Sparrow”.
Maalkhema - An Vivan! (mai 2023 ; Guadeloupe)
C’est un album à l’ancienne avec intro, interlude et outro. Plus d’une heure d’un hip-hop revisité à travers différents styles old school et contemporains pour une expérience immersive. Entre la réalité de la jeunesse guadeloupéenne dans la France des années 60/70/80 et la réalité de la vie d’artiste dans une industrie cannibale, Maalkhema raconte la complexité des relations humaines. C’est un album sur l’amour pour sa famille, l’amour pour ses amis, l’amour pour son île et sur l’amour de soi. Sur le plan musical, bien qu’il maîtrise son flow aussi bien en français qu’en créole, il ose sortir de sa zone de confort en chantant avec autotune le refrain de certaines pistes. Coup de coeur pour “Konpè renwa & Konpè chaben” qui synthétise les dynamiques sociales et économiques en Guadeloupe par le prisme du colorisme.
Lé Will & Deuspi - Veyron (mai 2023 ; Martinique)
C’est l’album qui a été le plus divertissant à écouter. Ce voyage temporel musical nous fait passer par différents styles de hip-hop à commencer par du “OLDSCHOOL”. La richesse musicale compense largement l’approche traditionnelle des thématiques de la trap et de la drill : la débrouillardise et le sexe. La structure des pistes varie suffisamment pour que cela ne soit pas répétitif. Aucune chanson ne se ressemble ou paraît hors sujet puisque Lé Will et Deuspi font le lien d’un rythme à l’autre en mélangeant le créole et le français. Coup de coeur pour le “Konpa freestyle” avec un sample des Aiglons qui représente une direction artistique originale pour se distinguer sur le marché international.