#streamcaribbean - "Siwo" de Matieu White (mars 2024)
J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans différents podcasts, mais Matieu White (Guadeloupe) est vraiment celui qui a la meilleure base pour tenter une carrière internationale. Un showman charismatique, un branding masculin contemporain, un storytelling plutôt lisible… Tout est là.
Depuis l’album “Para Bellum” (2021), il propose une direction artistique prometteuse en termes d’originalité. En effet, bien qu’il vienne de l’univers dancehall, ses sorties musicales au cours de ces trois dernières années flirtent plus avec la pop caribéenne qui est le genre le plus adapté pour le grand public. Néanmoins, c’est l’évolution de son branding que je tiens à souligner. Que ce soit avec Bamby, Rachelle Allison ou encore Maurane Voyer, ses duos avec des chanteuses lui permettent de jouer le lover boy qui fait rêver et le fvckboi qu’on déteste aimer. C’est un équilibre difficile à trouver, mais il s’en sort plutôt bien avec le mini-album “Siwo”.
En 14 minutes, il nous parle que d’amour. L’amour doux avec “Slowmotion”, l’amour passionnel avec “Pa Nowmal”, l’amour sexuel avec “Coup de Vent” (feat. Young Chang MC), l’amour secret avec “Discret”, l’amour surprise avec “50-50”.
Si ce n’était pas encore clair, je suis une amoureuse de l’amour donc j’étais d’autant plus attentive aux paroles. Quand il chante en duo avec une femme, Matieu White n’a aucun problème à être taquin et sensuel. En solo, il prend toujours le point de vue de l’homme dominant et parle en détail de ce que ressent la femme que ce soit sur le plan physique ou émotionnel. Cependant, il reste générique pour raconter le point de vue masculin quand il s’agit d’une réelle intimité émotionnelle… Comme dans “50-50”, à part avoir “des étoiles dans les yeux”, il ne dit rien de ce qu’il ressent mais on sait précisément tout ce qu’il fait ressentir à sa partenaire pour laquelle il se transforme en sauveur. Je trouve ça fascinant de parler autant d’amour, de sexe, d’idéaliser une relation “50-50” sans jamais définir ce “50-50” à partir de ce qu’on veut soi d’abord. Ce qui est en contradiction avec ce qu’il avait laissé entrevoir dans “Nouvo Mood”, son single avec YSN, sorti avant “Pa Nowmal” qui sert de titre promotionnel au projet “Siwo”.
Les productions sont efficaces. Même si Matieu White reste fidèle à son identité caribéenne, musicalement on entend l’influence hexagonale même dans sa façon de poser… Mais c’est un album qui a de quoi lui donner accès à un public hexagonal tout en satisfaisant son public de la première heure. Et, encore une fois, dans notre contexte, choisir l’image “Siwo” tout en exprimant une masculinité complexe n’est pas donné à tout le monde vu la représentation de l’homme noir dans les clichés coloniaux. Donc à voir quelle direction il prendra pour la suite de sa carrière.
Mes pistes Karukerament
“Slowmotion” (vidéo lyrics… avec quelques fautes d’orthographe)- pour moi, c’est le titre au meilleur potentiel international. Musicalement, c’est une sorte de hip-pop R&Bisé mais il y a un clin d’oeil à son identité dancehall. Même le fait de chanter le “youuu slow motion” peut faire écho chez ceux qui connaissent le hit de Juvenile. Les paroles mélangent créole, français et anglais. Il y a des références accessibles catchy comme “Phénomène Raven”, “you’re my sunshine”, la marque Valentino. Et la thématique de l’amour où il est le bad boy petit-ami parfait, c’est toujours gagnant pour les femmes du monde entier.
“Pa Nowmal” - c’est un konpa dans la tradition Haitian Troubadour. Même si la majorité du titre est en français, il utilise aussi des tournures du créole haïtien donc il respecte vraiment la culture. Les paroles reflètent ce paradoxe intemporel : le regard approbateur masculin sur “la femme respectable dans la rue, mais qui assure au lit”. L’homme de la chanson a créé l‘espace pour que la femme soit elle-même et assume pleinement sa sexualité… Et le seul qualificatif est de dire qu’elle n’est “pa nowmal” ? Fascinant.