#streamcribbean "Gemini II" de Yoan
On continue la série des chroniques #streamcaribbean de 2023. Après Lorenz et son EP “Lunatiq” (janvier), Kevni et de son EP “INEVITAB” (février), il est temps de parler de “Gemini II” de Yoan sorti fin février.
Mesuré à l’échelle Kassav’, tous les ingrédients sont réunis pour que cet album soit le classique sur lequel les 2010 s’éclateront à faire leur ménage le week-end dans quelques années. Je veux dire que Yoan nous a concocté une masterclass sur comment respecter l’essence du zouk tout en se jouant des limites imposées par l’industrie française. “Gemini” se décline en deux volets. La partie 1 dévoilée en juin 2021 proposait un univers lumineux avec pour fil conducteur la connexion amoureuse heureuse mise en scène dans des courts-métrages musicaux. Mais, à l’instar de la pochette de l’album jouant sur un effet miroir, Yoan décortique le côté sombre de l’amour dans cette seconde partie.
Si “Corda”, “Etranjé” et “Dans Ma Tête” évoquent les difficultés de communication, “Tu Es Partie”, “Assez Joué” et “La Go” (avec son fils Doylee) touchent à la rupture et à l’infidélité. Se baladant entre kezu, pop urbaine drillizé et konpa, Yoan joue sur la structure musicale pour valoriser sa technique vocale soul R&B.
Malgré un style polyvalent maîtrisé, le zouk classique reste la colonne vertébrale du projet. En collaboration avec Ji Kann’, “Evidence” et “Pa Dodo” ont une valeur d’autant plus symbolique en mettant à l’honneur les deux facettes du zouk : l’amour et l’envie d’être heureux.
J’avoue que le cas Yoan m’a toujours laissé perplexe. Je ne comprends pas que son nom soit absent des conversations sur le zouk contemporain de ces cinq dernières années. Il fait partie de cette première génération des héritiers de Kassav’ qui écrit son chapitre de cette histoire sans utiliser le sample ni dénaturer le genre musical. Valeur sûre de la scène caribéenne depuis les années 2010, ses concerts dans les salles parisiennes se jouent à guichets fermés. Il affiche des streams Youtube* et Spotify plus que satisfaisants pour un artiste aussi discret médiatiquement. Ses deux premiers albums studio “Premier Souffle” (2015) et “O.H.A.N.A” (2018) reflètent ses racines R&B sans trahir sa culture caribéenne aussi bien dans les sonorités que dans la langue. Même s’il chante beaucoup sur l’amour romantique, il a aussi des chansons sur l’amour de soi aux accents spirituels pour redonner le courage dans les moments difficiles. On fait appel à lui pour les projets de collaboration populaires dans le vrai sens du terme c’est-à-dire les projets qui permettent au peuple de se célébrer dans la joie, la dignité et la transmission culturelle… Parlez plus de lui, s’il vous plaît.
En résumé, “Gemini II” confirme le statut de Yoan comme un incontournable du zouk de ce début du 21ème siècle. Tout en incorporant des sonorités tendance du moment, son identité artistique reste solide. Des papillons dans le ventre aux migraines causées par la confusion des sentiments, il chante la complexité et la vulnérabilité qu’exigent l’amour de l’autre et surtout l’amour de soi. A écouter sans modération. Quel est votre titre préféré de cet EP ?
* A titre d’exemple, les 5 clips-vidéos de “Gemini I” cumulent plus de 5,1 millions de vues sur Youtube.