Le Bouyon Gwada, Theodora, Perle Lama... Les leçons de media training à retenir de 2024 (1/5)

Yé Moun La! J'espère que vous avez passé une bonne année musicale 2024. Médiatiquement, 2024 a été l’année du Bouyon. Mais pas que ! Et si on faisait le bilan de comment nos cultures, nos artistes et nous, public premier, avons été moqués et méprisés…

Des médias et des clics

En mars/avril, certains médias mainstream nous donnent un énième exemple du mythe #5 (“les artistes antillais ne sont bons que pour la fête, le sexe et la drogue”). Qualifié de danse qui fait “polémique dans les boîtes de nuit” (CNews), le Bouyon est décrit comme une “danse choquante” (Le Parisien) “qui rappelle l’acte sexuel” (Le Parisien bis), qui “mime l’acte sexuel” (20 minutes). L’émission “Touche Pas A Mon Poste” y consacre même une chronique où le Bouyon est ridiculisé et la réaction de Lestef est considérée comme une validation alors que c’est évident que ses applaudissements sont ironiques… Saluons les efforts de certaines pour donner un branding positif au Bouyon par rapport à “son essor musical” (infopop) ou en rappelant que ces médias projettent “toujours les mêmes fantasmes sur les Antilles” (Libération)... On souffle, mais on a tellement l’habitude depuis des décennies que personne ne s’y attarde. 

A partir d’octobre, certains médias (afro)hexagonaux “spécialisés/niche” prennent le  relais avec diverses techniques pour donner l'impression de célébrer les musiques “antillaises” tout en continuant à les tourner en dérision. Est-ce possible pour eux de nous soutenir sans nous dévaloriser et surtout sans réécrire l’histoire ? Après le branding et le storytelling, il est temps de parler de media training.

Le cadre Karukerament

Avant de commencer, posons le cadre Karukerament avec l’exemple de Nuttea. Depuis le lancement de Karukerament en 2019, je n’ai vu aucun artiste faire une promo aussi complète et transversale. Sur deux mois, il a été présent dans des médias spécialisés de référence, dans des médias généralistes, à l’échelle nationale et gwadiniquaise, sous tous les formats (écrit/audio/vidéo). Début décembre, il est dans l’émission Décibels de France Bleu. Rien à dire sur l’interview elle-même (même si la formulation des questions est parfois limite). En revanche, l’article de présentation se trompe deux fois sur le titre de l’album (et avec des fautes d’orthographe en plus). L’erreur est humaine, mais, à l’heure de la rédaction de cet article, soit plus de 15 jours après la mise en ligne, cette erreur n’a toujours pas été rectifiée. Et c’est ce manque de rigueur envers nos artistes dans le fond et/ou la forme du contenu qui interfère dans la création d'un espace digital valorisant. 

En général, nos artistes sont en demande de médiatisation/visibilité à tout prix alors que les médias (afro)hexagonaux leur ont toujours été défavorables (cf. le mythe #4 - les artistes antillais ont besoin des médias pour briller). Pour des exemples de 2024, je vous invite à regarder les interviews de nos artistes dans l’émission Bang! Bang! de Mouv’ qui sont peut-être divertissantes mais que retient-on d’eux à la fin ?

Une interview utile et valorisante d’un point de vue de Karukerament a deux objectifs

  • présenter l’artiste comme un.e créateur.ice expert.e de son art

  • donner envie d’aller écouter l’album, d’aller en concert, de soutenir. 

J’utilise deux critères pour voir si ces objectifs sont atteints : 

  • combien de minutes/mots sont consacrés à l’album promu sur la totalité de l’interview ?

  • les extraits teaser (audio/vidéo/écrits) sur les réseaux sociaux mettent-ils en avant l’album et/ou le processus créatif de l’artiste ?

    Axes du bilan 2024

Souvenez-vous en 2021 comment certains médias (afro)hexagonaux nous écrivaient de grands dossiers sur comment le Zouk antillais s’est fait remplacer par l’afro, que les artistes antillais de Zouk ou de musiques urbaines échouaient à s’imposer au niveau national parce qu’ils étaient stupides. Les récépissés 2019-2023 sont disponibles dans “Notre (dés)amour du Zouk” et dans “les mythes autour des artistes antillais”.

En 2024, comment certains médias (afro)hexagonaux ont-ils dénigré les artistes et le public antillais tout en refusant de se remettre en question ? Comment nos artistes peuvent-ils optimiser leur branding digital ? Ce sont les deux axes d’analyse dans le cadre Karukerament pour ce bilan musical de 2024 qui se fera à travers trois thématiques : 

  • comment certains médias entretiennent un regard misérabiliste sur la Guadeloupe et la Martinique

  • comment certains médias entretiennent la guerre imaginaire Afrique - Antilles

  • comment les artistes antillais utilisent leurs réseaux sociaux de façon chaotique

Avertissement : mes propos ne sont pas des attaques personnelles. Si vous êtes mal à l'aise en lisant ces articles, c'est normal. Lire le mépris que nous subissons et qui a été normalisé, intériorisé même par son entourage afrodescendant, ça fait mal. À voir si en 2025 on parlera de solutions concrètes, mais au moins soyons précis sur les vrais problèmes à régler. Bonne lecture !

  1. Comment certains médias entretiennent un regard misérabiliste sur la Guadeloupe et la Martinique (disponible à partir du jeudi 2 janvier à 8h)

  2. Comment certains médias entretiennent la guerre imaginaire Afrique vs. Antilles (disponible à partir du vendredi 3 janvier à 8h)

  3. Comment les artistes antillais utilisent leurs réseaux sociaux de façon chaotique (disponible à partir du samedi 4 janvier à 8h)

  4. Bonus (disponible à partir du dimanche 5 janvier à 8h)

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