#condéchallenge 2021 - Capsules 6 - 10
Hugo Le Terrible (1991)
16 septembre 1989, 15h35. Attention Cyclone Hugo se dirige rapidement sur la Guadeloupe. Rejoignez les habitations ou les abris. Alerte2 déclenchée ce jour à compter de 12 heures. Préfet Région Guadeloupe. Les écoliers vont vivre une rentrée scolaire pas comme les autres. Michel abandonne ses leçons et se prépare, avec sa famille, à résister à Hugo le terrible.
C’est un roman jeunesse que j’ai lu au collège. Franchement, plus je vieillis et plus je me dis que j’ai eu de la chance d’avoir les professeurs que j’ai eu dans ma scolarité en Guadeloupe. Il y avait plein d’indépendantistes dans le lot donc ça explique peut-être pourquoi ils choisissaient d’utiliser leur liberté pédagogique en ouvrant nos esprits sur notre condition de Guadeloupéen. Et en plus, ils avaient des supports adaptés pour nos jeunes esprits… Je ne sais pas ce qu’il en est de nos jours. Donc Hugo Le Terrible, je le recommanderai même aux adultes qui veulent comprendre la Guadeloupe rapidement. En peu de pages et avec le point de vue d’un enfant de 11 ans, Maryse Condé analyse les dynamiques sociales de la Guadeloupe. Le rapport de la petite bourgeoisie avec la classe populaire. Le rapport aux immigrés. Le rapport parent-enfant. Le rapport des Antillais à la solidarité en cas de crise. Le regard blanc qui nous voit comme un divertissement même dans notre souffrance. Blancs de France qui nous voient comme un divertissement.
Personnellement je n’étais pas en Guadeloupe quand Hugo est passé. Par contre, j’y vivais pendant les années 90 et je me rappelle comment les gens tremblaient en 1999 en disant que pour les 10 ans de Hugo, c’est obligé qu’on aurait une grosse catastrophe naturelle. Le mois de septembre est passé. Rien a signalé. A cette époque on disait que le gros de l’activité cyclonique se finissait en septembre, donc tout le monde respirait. Et puis Lenny est arrivé. Dernier cyclone du 20ème siècle. Mais quel souvenir! Je crois que j’avais écrit une flash fiction dessus… Faudrait que je vois si je la retrouve. Mais en tout cas, ça a été la dernière grosse catastrophe naturelle que j’ai vécu avant de quitter la Guadeloupe… Mais je n’oublierai jamais. J’habitais aux Abymes à l’époque. J’étais en 3ème. Comme c’était une tempête tropicale, on avait laissé la population vaquer à ses occupations. Je suis allée au collège. Mais il pleuvait des cordes. Les profs étaient inquiets. Finalement, je crois que c’est vers 10h que les autorités nous ont mis en alerte rouge donc en gros tout le monde doit être chez soi et ne plus bouger. Mais il y avait déjà beaucoup de routes inondées donc ça aurait été difficile pour beaucoup de rentrer chez eux. Le principal a pris la décision de laisser partir uniquement ceux qui habitaient dans un rayon de 200m et qui souhaitaient partir mais les autres devaient rester au collège. Dites-vous que j’étais dans un grand collège. On était 1000 élèves. J’imagine même pas la pression que ça a dû être de prendre la décision de laisser partir des élèves. Mais il fallait faire un choix. Moi perso j’habitais à côté, je suis partie. J’ai quitté le collège, je voyais l’eau sur la route. En l’espace des ⅚ minutes qu’il me fallait pour rentrer chez moi, j’avais l’eau au niveau des genoux. Toute proportion gardée, je suis petite. J’avais déjà atteinte ma taille d’adulte 1m63. Mais bon, c’était flippant, je me voyais déjà emportée par l’eau. Bref. Avec le recul, je me rends compte que vivre en Guadeloupe m’a donné une approche de la vie où je suis consciente que je peux mourir à n’importe quel moment mais surtout que je peux me relever peu importe les coups durs qui me sont donnés. Et les gens, vu comment j’ai dérouillé pendant ma vingtaine… Non vraiment si je n’avais pas été Guadeloupéenne avec ces expériences de vie en Guadeloupe, je crois vraiment que je ne serais plus là aujourd’hui. J’aimerais vous recommander le film “Uncivilized” de Michael Lees qui montre bien les effets d’un cyclone et surtout la dignité d’une population qui cherche à se reconstruire.
Le titre #streamcaribbean est “Tonbé Lévé” d’Arnaud Dolmen. Le peuple guadeloupéen trébuche mais se relève toujours.
La Traversée de la Mangrove (1989)
A Rivière au Sel, en plein cœur de la forêt, on veille un mort, un homme qui s'est installé dans le village quelques années auparavant et dont on ne sait pas grand-chose. Est-il cubain ? colombien ? A-t-il déserté ? Pourquoi est-il revenu en Guadeloupe ? Les réponses ne sont pas claires. Cependant peu importe la véritable identité de cet homme. Ce qui importe, c'est l'image que les individus gardent chacun de lui et les modifications qu'il a apportées dans leurs vies. Dans le temps clos de cette seule nuit, au-delà de cette petite communauté, c'est toute la société guadeloupéenne d'aujourd'hui qui se dessine, avec ses conflits, ses contradictions et ses tensions.
Ce roman a été mon deuxième coup de coeur. Cette fois-ci, on a droit à un tableau de la société guadeloupéenne des années 70 et des années 80. La particularité est que le personnage principal est mort donc on le découvre uniquement à travers les souvenirs des personnes qui font la veillée. C’est le genre de récit qui demande au lecteur de vraiment prêter attention aux détails pour comprendre ce qui se passe. Le mystère autour du personnage principal permet, de mon point de vue, de montrer aussi qu’il y a des étrangers qui veulent s’intégrer aussi en Guadeloupe qu’on le veuille ou non.
Le titre #streamcaribbean est “Namn a Péyi La” de Sonny Troupé. C’est un batteur guadeloupéen, fils du célèbre Georges Troupé. Sonny Troupé, c’est la sensibilité dans des mains de fer. Il fait beaucoup de collaborations mais je voudrais l’entendre sur un projet solo.
Les derniers rois mages (1992)
Dans une île des Antilles, une famille vénère un ancêtre qui fut roi d'un pays africain. Son portrait trône, depuis des lustres, au-dessus du buffet. Et, tous les ans, ses descendants rendent hommage au roi, en un rituel à la fois sacré et mystérieux. Pour tout dire, les descendants de l'étrange souverain vivent en perpétuant, comme ils peuvent, les traditions dont ils ont hérité : la fidélité aux rites, la fierté et l'orgueil d'avoir du sang royal...
L’intrigue du roi africain exilé aux Antilles fait écho à l’histoire réelle de Béhanzin roi du Dahomey qui a passé 12 ans en exil en Martinique entre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle. Pour en savoir plus sur sa vie, je vous invite à lire les articles écrits par l’historienne martiniquaise Jessica Pierre-Louis sur son blog Tan Listwa. Je vous mets les liens en barre de description ( 1 et 2). Vous avez aussi le film L’exil du roi Béhanzin réalisé par Guy Deslauriers et écrit par Patrick Chamoiseau avec Delroy Lindo dans le rôle principal en 1994.
Sur le plan de la structure du récit, cela a été le roman le plus difficile à lire pour moi parce qu’il y a un récit dans le récit et je vais être franche, le récit dans le récit ne m’intéressait pas vraiment. Il y avait plein d’allers-retours dans le temps et je ne voyais pas toujours les transitions. Ceci étant dit, ce roman est à lire parce qu’il met en scène une quête identitaire Afrique-Caraïbe-Amérique du Nord. De mémoire, c’est le seul roman où Maryse Condé va aussi loin dans l’analyse de l’histoire des Noirs Américains descendants d’esclaves. Et c’est aussi le premier roman où le personnage antillais est face au dilemme de retourner aux Antilles ou de rester aux Etats-Unis. Donc pour moi, c’est à partir de ce roman que la Guadeloupe n’est plus le port d’attache dans la littérature de Maryse Condé. Certes, elle reste au centre de la représentation du monde, mais les personnages s’en éloignent volontairement et n’y retournent pas forcément. Je rappelle que dans ses premiers romans, les personnages guadeloupéens vivaient comme des exilés en Afrique. Après on a des Guadeloupéens qui partent mais reviennent. Et à partir des derniers rois mages, ils partent mais peuvent ne pas revenir.
A mon sens, c’est aussi dans ce roman que Maryse Condé explore le développement d’un récit à partir d’un basique. Alors c’est un terme qui m’est revenu spontanément pendant que je faisais mes IG live pour préparer ces capsules audio. Le basique, c’est le gars qui se laisse porter par la vie. Le médiocre, c’est le gars basique mais qui fait volontairement du mal autour de lui. Maryse Condé n’écrit que sur des gens ordinaires qui se retrouvent à devoir gérer des situations extraordinaires. A part Célanire Cou-Coupé, tous les autres personnages de ses romans sont des êtres humains d’une banalité la plus totale. Surtout les personnages antillais masculins. A part dans la Vie Scélérate et dans la Migration des coeurs, ils sont basiques dans le sens où ils n’ont pas de personnalité, pas d’ambition et ils se complaisent dans cette médiocrité voire ils rejettent la responsabilité sur leur entourage. Les personnages féminins, c’est tout le contraire. Même si de leur point de vue à elles, elles sont nulles, nous en tant que lecteurs, on voit bien tout ce qu’elles accomplissent sur le plan professionnel, sur le plan intellectuel mais ces femmes n’y accordent pas de valeur parce qu’elles ne s’aiment pas elles-mêmes et elles veulent être validées par l’amour d’un homme souvent médiocre. Mais je m’éloigne du sujet, on en parlera dans l’ultime capsule. Donc oui, avec Les derniers rois mages, on a vraiment cette première tentative de mettre un personnage ordinaire en lumière en lui donnant des origines extraordinaires… Mais il vit sa vie comme un basique. Ce que je retiens de ce roman, c’est une représentation d’une quête identitaire où l’Afrique n’est pas la solution. Pour moi, Maryse Condé casse ici le mythe d’un retour sur le continent africain comme la solution pour régler nos interrogations identitaires. Elle montre que les Noirs déportés aux Amériques ont planté leurs racines et maintenant le défi est de savoir comment s’appuyer dessus pour grandir et s’élever. Les racines sont suffisamment fortes pour qu’on puisse grandir sans avoir besoin de se chercher chez les autres ni avoir à s’excuser d’exister.
Mais cette conclusion ne m’est venue que la semaine dernière. Je revenais d’un concert et j’ai eu le dernier bus juste à temps. Il était minuit et demi. Le bus est bondé, bien évidemment, donc j’étais debout et j’ai dû m’accrocher à une barre. Et je ne sais pas ce que le chauffeur avait mais il conduisait vraiment vite. A un moment il a freiné tellement brusquement que je suis tombée sur un gars. Il avait son masque et il faisait sombre mais je dirais qu’il devait avoir entre 25 et 30 ans. Bien entendu, je présente mes excuses et il me propose la place. Je lui dis non ça va aller. J’avais genre 5 ou 6 arrêts. Il insiste, je lui dis non merci. Après il me demande si je suis commorienne. Je dis non. Il me fait “ah tu viens des Antilles.” Je dis oui. Il me dit “Guadeloupe ou Martinique?”. Je lui dis Martinique (non mais quand un inconnu me parle, je suis toujours Martiniquaise ou Guyanaise). Il laisse passer quelques secondes et il revient à la charge “mais tu n’as pas des ancêtres du Sénégal, des Comores”. Dans ma tête, je souffle fort et je lui dis “non, je n’en ai aucune idée.” On s’est regardé droit dans les yeux comme Diddy et Elijah Conner dans The Four font un concours à qui baissera les yeux en premier. Je ne baisse pas les yeux et le gars finit par dire “ah bah oui” genre c’est logique mais avec un petit ton condescendant. Bref, il ne m’a plus parlé. Je ne comptais pas continuer à lui répondre. Mais voilà en 2021, je pense que quand un Noir dit “je viens de Guadeloupe” ou “je viens de Martinique” ou “je viens de Guyane”. Y’a pas besoin de chercher plus loin en fait. Nos racines sont là. Point. On n’est pas responsables des choix des ancêtres, maintenant nous nous sommes là. On ne va pas se torturer éternellement en se disant “je ne sais pas d’où je viens, je ne sais pas qui je suis”. Je sais d’où je viens. Je viens de Guadeloupe. Il se trouve que mes ancêtres africains ont été déportés. Je n’ai pas besoin de plus. Si je dois rentrer chez moi, chez moi, c’est la Guadeloupe et nulle part ailleurs. Et si un jour je décide de m’installer dans un pays étranger. Je sais que je porte la Guadeloupe en moi. Ceci étant dit, je peux comprendre que des gens soient encore en crise identitaire par rapport à ça mais je leur souhaite sincèrement de trouver l’apaisement. La vie est trop courte pour se laisser définir par un passé qu’on ne contrôle pas.
Le titre #streamcaribbean s’impose de lui-même. C’est le générique du film “L’exil du roi Béhanzin”. C’est “Ahidjere” de Jocelyne Béroard. Est-ce que je vous fais l’affront de vous rappeler qui est Reine Jocelyne Béroard ? Bon, peut-être que la personne qui m’écoute n’a jamais entendu parler de Kassav’ donc je mettrai en barre de description le lien vers mon Focus Karayib sur mon héritage de Kassav’.
La Colonie du Nouveau Monde (1993)
Elle était Tiyi, mère des princesses Néfertiti et Meritaton, enceinte d'un nouvel enfant du Soleil Aton.Un an plus tôt, venant de la Guadeloupe en passant par le Venezuela, ils avaient échoué dans la petite ville de Santa Marta, sur la côte caraïbe de la Colombie, avec Mandjet et Mesketet, leurs derniers fidèles.Ils n'avaient trouvé là que la misère et le mépris. Par dérision, les habitants de Santa Marta avaient appelé le petit groupe des adorateurs du Soleil "la colonie du nouveau monde". Aton avait continué ses dévotions, mais Rê, le Soleil, était devenu sourd à ses appels. Ils voulaient retourner en Egypte, le berceau de la religion première, mais les fonds manquaient et le bateau qui devait cingler vers la Terre promise n'avait pas pris la mer. C'était ici, à La Ceja, sur cet hectare de terre aride, qu'allait s'achever le rêve sincère de fonder une religion nouvelle. C'était ici qu'ils allaient tous périr, dans la cupidité, la haine et la folie. Abandonnés des hommes. Abandonnés de Dieu.
Ce roman m’a aspiré toute mon énergie. Je suis un Bisounour, je ne lis que de la Black romance justement pour ne lire que sur des gens heureux, mais La Colonie du Nouveau Monde, c’est le roman le plus dark de Maryse Condé. J’ai mis 2 semaines à m’en remettre. Deux semaines. Elle explore ce qu’il y a de plus vil et de plus repoussant dans la nature humaine. Surtout ne le lisez pas si vous êtes déprimés, sinon il vous achèvera. Après, je pense que ça reste une oeuvre importante de Maryse Condé parce qu’elle fait passer la quête identitaire par l’appropriation d’une autre culture, d’un autre culte religieux. Ca me parle dans le sens où je sais ce que c’est de se plonger dans une autre culture. En l'occurrence, dans mon cas, c’est la culture coréenne. Je me rappelle quand je disais que j’étais en licence de coréen il y a 10 ans, on se moquait de moi. Mais bon je savais que je le faisais parce que j’aime les langues et parce que je voulais avoir accès directement à la culture et comprendre les stratégies mises en place pour que la Hallyu déferle sur le monde. Et je vois où on en est dix ans plus tard. Le grand public sait ce qu’est la K-Pop, marathone les K-dramas sur Netflix… Bref, j’en reviens à La Colonie du Nouveau Monde. Maryse Condé montre comment le désespoir peut conduire au comportement le plus dangereux, le plus abject et au final, le point de départ est toujours le même, c’est cette incapacité à s’aimer soi-même. Tu cherches dans l’autre l’amour que tu devrais te porter à toi-même et tu t’oublies, tu développes des pensées extrêmistes. Et le pire, c’est quand en plus tu as un véritable dégoût de toi-même. Tu auras beau chercher à être aimé, tu ne connaîtras jamais la tranquillité. Je n’en dis pas plus. Ce roman est juste déprimant. Ce que je retiens, c’est qu’on est face à des personnages Guadeloupéens dont la quête identitaire passe par l’appropriation à l’extrême d’une autre culture, la colonisation d’un autre territoire et ce n’est pas pour autant qu’ils sont heureux. Moralité, même si Maryse Condé n’est là pour faire la morale à personne, pas besoin de vouloir imiter les autres, notre sérénité viendra si on reste nous-mêmes.
Le titre #streamcaribbean est Voyages et Rêves de Sonny Troupé. Oui encore Sonny Troupé. Je pense que l’ambiance reflète bien les illusions, les frustrations et les peurs des personnages.
La migration des coeurs (1995)
La Migration des cœurs en est une libre variation, pleine de violence et de sensualité du roman “Les Hauts des Hurlevents” d’Emily Brontë. Elle réincarne en Razyé le personnage de Heathcliff et fait de Cuba et de la Guadeloupe, dans le dernier quart du XIXe siècle, le cadre de la passion meurtrière qui le lie à Cathy. Amours dévorantes, haines ancestrales, rivalités familiales, forces occultes de la religion, l'auteur nous offre un voyage exotique et luxuriant et nous révèle les émotions et les déchirements des âmes et des corps.
Je ne vais pas vous mentir. Dans ma vingtaine, j’ai lu toute la bibliographie des soeurs Brontë. Je sais que j’ai apprécié mes lectures, la description de la société anglaise du 19ème siècle, mais bon ça ne m’a pas fait vibrer à part Jane Eyre. Mais je pense que c’est juste parce que j’ai un penchant pour les personnages féminins solitaires. Tout ça pour vous dire que je n’ai pas d’éléments de comparaison pour voir ce que Maryse Condé a gardé ou retiré dans son roman. Dans ce roman, on voit la force culturelle de la Caraïbe et que nos récits peuvent se suffir à nous-mêmes parce que les personnages voyagent entre la Guadeloupe, Cuba et la Dominique. Le personnage de Razyé n’est ni un basique ni un médiocre mais victime de ses circonstances, il n’a jamais été aimé comme il veut être aimé alors il passe du côté obscur de la force. Son niveau de toxicité est du haut niveau et encore une fois Maryse Condé nous présente un amour qui, à la base, est sincère. C’est le stéréotype des 2 amis d’enfance qui tombent amoureux l’un de l’autre en grandissant mais ils sont de classe sociale différente, de classe raciale différente donc leur amour est contrarié.
De mémoire, ce n’est jamais dit clairement mais pour moi Razyé est un Indoguadeloupéen. D’une façon générale, Maryse Condé décrit peu les personnages noirs et toujours en des termes neutres ou alors dévalorisant mais il n’y a pas d’extase comme dans les descriptions des personnages blancs comparés à des anges, qui évoquent de la douceur. D’ailleurs, le fait que la société guadeloupéenne de Maryse Condé donne un rôle mineur aux Indiens lui a été reproché. Je pense, opinion personnelle, que cela fait partie des limites de Maryse Condé l’écrivain. Elle a beau avoir une plume exceptionnelle, elle ne peut pas tout écrire brillamment. Et elle n’a pas l’air d’être du genre à faire quelque chose d’à peu près bien donc elle a préféré ne pas y consacrer son énergie. Mais effectivement, je pense que si Maryse Condé avait eu quelques romans plaçant les Indiens au centre de façon positive, cela aurait pu changer la société guadeloupéenne. Ce n’est pas que je lui donne un pouvoir exceptionnel, mais ses choix de thèmes, de personnages et son écriture, c’est du niveau à avoir un impact sur la culture populaire. C’est un fait, il faut juste accepter. Je digresse. Donc ce que je retiens de La Migration des coeurs. La représentation d’un amour toxique. Un homme littéralement fou d’amour et ce n’est pas aussi sexy qu’on le croit. Et ce qui est intéressant c’est qu’on a Cathy, sa bien-aimée, qui aime Razyé mais fait le choix d’assurer d’abord son confort matériel à elle parce que, pour l’époque, elle n’a pas d’autre perspective.
Le titre #streamcaribbean est Peut-être un jour de Manuela Pioche. Je l’utilise beaucoup parce que c’était une grande chanteuse populaire de l’époque. Maryse Condé a l’occasion d’en parler dans ses romans. Comme je vous ai dit, Florence Naprix a monté le spectacle “Dans la peau de Mano” pour lui rendre hommage. Je veux aussi garder une trace d’elle dans le podcast. Cette chanson, je l’entendais régulièrement dans la sélection du dimanche après-midi sur RCI. C’était la session boléro, biguine. Et j’ai toujours trouvé les paroles tellement belles et tellement tristes à la fois…